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Une « rupture historique » dans la lutte des classes depuis 2022 ?

 

Si la plupart des communistes de gauche conservent une perspective pessimiste mais lucide sur l’état actuel de la lutte, le Courant communiste international (CCI) prétend, dans sa Revue internationale n°171, datée du deuxième semestre 2023, que nous assisterions depuis 2022 à une nouvelle rupture historique, similaire par son importance à celle de 1968, et qui aurait même le potentiel d’aller au-delà [1]. Qu’en est-il vraiment ? C’est ce à quoi nous allons désormais répondre en étudiant la question sur trois plans imbriqués : quantitatif, qualitatif et historique.

 

Des luttes massives en rupture avec le passé ?

 

Le CCI utilise comme exemple prototypique de cette reprise des luttes le cas britannique. Sur le plan quantitatif, il apparaît en effet que l’on assiste à une légère remontée à partir de 2022, qui tranche singulièrement avec les décennies précédentes (1990 à 2020) sans pour autant atteindre un niveau similaire en durée, ampleur et pics atteints dans les années 1970, ni même dans les années 1980.

Figure 1 : Royaume-Uni - Journées de travail perdues pour fait de grève.

Par ailleurs, cette poussée n’a cessé de diminuer à partir de 2023, ce qui rend la comparaison avec la période 1968-1980 peu pertinente car cette dernière se caractérise par des mobilisations quasi permanentes dont les multiples pics sont quatre à dix fois plus importants. Mais le cas britannique est l’un des rares à confirmer, ne serait-ce que partiellement, le narratif du CCI. Ainsi, qu’il s’agisse des États-Unis, de la France, de l’Allemagne ou encore de l’Espagne, toutes les données disponibles mettent en évidence des chiffres relativement modestes. Aux États-Unis, les luttes sont certes en hausse depuis les années 2018 mais elles ne dépassent qu’avec peine et ponctuellement les luttes des années 1990.

Figure 2 : USA – Nombre annuel de grévistes.

En France, même si nous ne disposons pas encore des chiffres pour 2023, année marquée par la lutte contre la « réforme » des retraites, les années antérieures ne témoignent pas d’une rupture historique et sont même loin derrière le mouvement de lutte de 2010 qui aurait pu, avec bien plus de raison, être qualifié de rupture, ce que le CCI n’avait d’ailleurs pas manqué de faire en son temps. Cependant, à nouveau, ce plafond est sans commune mesure avec celui des années 1960-1970 et se révèle éphémère.

Figure 3 : France - Nombre de journées non travaillées pour fait de grève.

Idem pour l’Allemagne où la reprise, toujours limitée, des luttes date bien plus des années 2010 que de 2022.

Figure 4 : Allemagne – Nbr d’entreprises touchées par des grèves (1993 à 2022).

Enfin, dans le cas d’un pays comme l’Espagne, le niveau des luttes atteint en 2023 est inférieur à 2008-2014 (Figure 5), période pourtant largement en dessous du niveau atteint dans les années 1970 et même 1980 (Figure 6).

Figure 5 : Espagne – Nombre de grèves en Espagne – 2000-2023.

Figure 6 : Espagne – Nombre de grèves – 1977-2016.

Il ne servirait à rien de multiplier les exemples dans la mesure où tous confirment une seule et même réalité : sur le plan statistique, rien ne met en évidence une rupture quantitative par rapport aux années précédentes. Il est encore moins question de mouvements de lutte analogues à ceux qui se déroulèrent durant la période 1965-1975. Cependant, le CCI pourrait rétorquer que la rupture se situe plutôt à un niveau qualitatif. C’est ce qu’il s’agit désormais d’interroger.

 

Des luttes où le prolétariat exprime sa conscience de classe ?

 

La plupart des mouvements de luttes mis en évidence par le CCI (été de la colère au Royaume-Uni, lutte contre la « réforme » des retraites en France, grève des transports en Allemagne, grève du service public au Canada et au Québec, grève du secteur automobile aux États-Unis, grève du textile au Bangladesh) se sont soldées, ou bien par une défaite cinglante, ou bien, lorsque des victoires ont été obtenues, par un manque criant d’auto-organisation de la part du prolétariat, très largement mobilisé par les forces d’encadrement syndicales.

Le CCI lui-même est forcé d’en convenir dans les articles qu’il consacre à ces luttes. Ainsi des luttes en Grande-Bretagne où il écrit que « la plupart des grèves dans les secteurs clés ont été bien contrôlées par les syndicats, qui ont rempli leur rôle pour le capitalisme en maintenant les grèves isolées les unes des autres (tout comme ils l’ont fait avec les mineurs et d’autres secteurs dans les années 1980), en les répartissant sur différents jours, même parmi les travailleurs de différentes parties du système de transport (rail, métro, bus…), et souvent limitées à un ou deux jours de grève avec un préavis donné longtemps à l’avance [2]. » Ou encore « de fait, malgré une énorme combativité, les luttes sont restées, pendant six mois, largement séparées les unes des autres. Chacun derrière son piquet et sa journée de mobilisation. Les syndicats ont évité d’appeler à des manifestations de grande envergure (à l’exception d’une en juin) pour empêcher les travailleurs de se rassembler » [3].

Or, cette réalité, marquée par un encadrement presque total des luttes par les syndicats et donc par l’absence de grèves sauvages, d’occupations avec piquets de grève et d’assemblées générales, se retrouve dans toutes les luttes de la période actuelle. C’est le cas de la grève dans le secteur automobile aux États-Unis où celle-ci s’est déroulée uniquement dans le cadre imposé par l’United Auto Workers (UAW) aux travailleurs, sans qu’à aucun moment ceux-ci ne viennent remettre en question ledit cadre [4].

C’est également le cas en France où, comme le dit Le Prolétaire dans un article faisant le bilan de la lutte, « il est désormais clair que la classe ouvrière a laissé tout au long du mouvement l’initiative entre les mains de l’intersyndicale, sans participation à des assemblées générales pour rassembler tous les prolétaires en lutte, et décider de l’orientation du combat, en appelant notamment à des grèves illimitées sur des objectifs clairs et susceptibles de s’étendre à l’ensemble de la classe. Il en est de même concernant l’absence de comités de grève autonomes organisant le blocage des lieux de travail par des piquets de grève et se coordonnant à toutes les échelles dans le but de rendre concrète l’extension de la lutte et la généralisation des grèves et des occupations. […] Les quelques grèves qui ont été menées étaient organisées sur des orientations et des mots d’ordre corporatistes et localistes, exigeant du gouvernement la prise en considération de critères comme la pénibilité du métier – alors que c’est le travail lui-même qui est pénible ! - ou le caractère excédentaire des caisses de retraite – comme l’a fait le syndicat CGT d’EDF » [5].

Ces quelques exemples suffisent, les lecteurs intéressés par le détail des autres mouvements de lutte pourront consulter les articles des principaux groupes de la gauche communiste consacrés à ces derniers [6]. Cette faiblesse de la classe ouvrière dans sa lutte n’a rien de surprenant. Elle est en effet le produit de cinquante années de recul des conflits sociaux et d’un cours contre-révolutionnaire que le prolétariat n’est jamais parvenu à repousser durablement. Très concrètement, cela signifie que la classe ouvrière dispose de très peu d’atouts pour prendre en main ses luttes : sa conscience de classe est au plus bas ; les organisations révolutionnaires sont réduites à la marginalité et doivent nager plus que jamais contre le courant ; en outre, il existe, quoi qu’en dise le CCI avec sa notion de « maturation souterraine », une perte des leçons tirées des expériences antérieures, ce dont témoigne le regain de confiance du prolétariat vis-à-vis de ses syndicats. Évidemment, il ne s’agit pas d’en faire un reproche au prolétariat. Il ne fait aucun doute que celui-ci devra nécessairement tirer des leçons des nombreuses défaites auxquelles il est confronté aujourd’hui. C’est une perspective que tous les marxistes révolutionnaires partagent. Mais des véritables révolutionnaires ne sauraient pour autant se gargariser du niveau des luttes actuelles, et partant, défendre une orientation politique tournée autour d’un véritable bluff, d’une perspective jamais confirmée par la réalité des luttes.

 

Des luttes « historiques » ?

 

À lire la presse bourgeoise, complaisamment relayée par le CCI, nous serions confrontés à une multitude de luttes « historiques ». Cela se révèle largement erroné à l’échelle mondiale, mais en est-il de même pays par pays ?

Le cas britannique invite à faire preuve d’un peu de nuance. En effet, une analyse pertinente des luttes entamées en 2022 ne saurait faire l’impasse sur l’histoire récente des luttes dans ce pays. L’événement le plus important pour restituer le retour relatif du prolétariat britannique est celui de la grève des mineurs de 1984-85, déclenchée par la décision du gouvernement britannique de Margaret Thatcher de fermer plusieurs mines de charbon. Confrontés à la disparition de leur emploi, les mineurs mènent une lutte de longue haleine, s’étendant sur une année entière, mais qui se solde par une défaite cinglante, les mineurs étant contraints de reprendre le travail sans avoir rien obtenu. Par contrecoup, cette défaite se généralise à l’ensemble de la classe ouvrière, durement atteinte. La reprise, même si elle est quantitativement quatre fois moindre et qualitativement limitée, a donc une signification notable relative à l’histoire des luttes dans ce pays, ce qui est encore bien loin de représenter une « rupture historique ». Qu’en est-il des autres pays ?

En ce qui concerne le cas français, la réponse ne fait aucun doute. Ce mouvement de lutte concernant les retraites n’est en rien historique, ni par le nombre de personnes mobilisées, inférieur à la lutte de 2010 déjà centrée sur cette question, ni sur le plan qualitatif. En effet, alors qu’en 1995, une victoire avait été obtenue même s’il subsistait un encadrement syndical important ; alors qu’en 2006, une victoire avait de nouveau été obtenue tandis que dans le même temps les jeunes prolétaires étaient parvenus à faire la preuve de leur capacité à s’auto-organiser et à rejeter l’encadrement syndical ; alors qu’en 2010, le mouvement sortait défait mais avait été marqué par une même tendance à l’auto-organisation, avec la tenue d’assemblées générales, voire de discussions à la fin des manifestations, rien de tout cela n’a eu lieu en 2023. Non seulement, le mouvement s’est soldé par une défaite mais, en outre, rien ne semble avoir été tiré des leçons des mouvements précédents : les syndicats ont encadré la lutte du début à la fin et ont même connu un afflux de nouveaux membres, les assemblées générales ont été les grandes absentes de cette séquence de luttes et la mystification démocratico-juridique autour du 49.3 et l’espoir dans les décisions du Conseil constitutionnel ont mis en évidence l’absence totale de conscience de classe. Et ce ne sont pas de vagues discussions autour du CPE ou des slogans sur Mai 68 qui pourront convaincre du contraire. Si la lutte a été massive, elle a été faible sur le plan de la conscience et, surtout, en tous points inférieure aux mouvements de lutte antérieurs. La « rupture » se résume donc à une vue de l’esprit.

Pour le cas allemand, un coup d’œil à l’article choisi par le CCI suffit à nuancer la dimension « historique » du mouvement. Il est ainsi précisé que le mouvement est « d’une ampleur rare pour l’Allemagne » et, surtout, que « un tel mouvement unitaire entre les syndicats EVG et Ver.di, représentant respectivement 230 000 salariés des sociétés ferroviaires et 2,5 millions d’employés des services, est extrêmement rare » [7]. Concernant le premier point, sous réserve que les chiffres pour 2023, encore indisponibles, ne nous démentent, les données pour la période 2013-2022 montrent bien qu’il existe un mouvement de lutte relativement élevé. En termes quantitatifs, la lutte allemande n’aurait donc rien d’exceptionnel ou d’historique. Mais, plus important, l’argument qui fonde la dimension historique de cette grève est la capacité des syndicats à former un front unique. Ou bien la gauche communiste n’a rien compris aux syndicats, ou bien cette lutte ne représente en rien un saut qualitatif par rapport aux luttes antérieures.

La même démarche vis-à-vis de l’article consacré à la grève canadienne montre que la dimension historique de la grève est là encore toute relative. Ainsi, on y lit que ce « mouvement [est] qualifié d’"historique" par le principal syndicat des fonctionnaires ». Faut-il en conclure que la méthode historique du CCI est identique à celle de l’Alliance de la Fonction publique du Canada ? Autre information importante, il est précisé que « le dernier débrayage de cette ampleur au Canada remonte à 1991 ». Or, dans le schéma actuel du CCI, les années 1990 sont les années terribles où la conscience de classe est au plus bas, celle en comparaison de laquelle nous assisterions aujourd’hui à une rupture historique. Tout cela démontre bien que derrière le masque d’une méthode historique se prétendant fidèle au marxisme, se dissimule une analyse à courte-vue, anhistorique et présentiste, identique à celle de la presse bourgeoise.

Le cas américain représente une situation un peu plus intéressante pour les marxistes. En effet, la lutte de classe est traditionnellement basse dans ce pays, pour des raisons qu’il n’est pas nécessaire d’exposer ici mais qui s’expliquent aussi bien par l’histoire particulière de ce pays que par la puissance américaine depuis le début du XXe siècle. Dès lors, voir les ouvriers de chacun des « Big Three » (General Motors, Ford et Stellantis) se mettre en grève au même moment, ce qui a représenté au plus fort de la lutte 18 000 travailleurs, est significatif, à défaut d’être historique. Cependant, la classe ouvrière américaine a encore du chemin à parcourir pour développer une lutte conséquente contre sa bourgeoisie et il lui faudra dépasser les luttes corporatistes encadrées par les syndicats pour que la rupture devienne une réalité et non plus un slogan hors-sol.

A priori, la grève historique islandaise évoquée par le CCI est la « grève des Islandaises de 2023 » pour l’égalité salariale femmes-hommes. Il est exact que cette grève a rassemblé 100 000 personnes, c’est-à-dire plus du quart des 375 000 habitants du pays. Mais ne nous y trompons pas : si les chiffres sont aussi élevés, ce n’est pas parce que l’Islande est à la veille de la révolution mais bien parce que la nature féministe des revendications a permis une véritable union des femmes au-dessus des classes sociales, permettant même à la première ministre Katrín Jakobsdóttir d’y prendre part. Loin d’être une grève de masse, et sans nier la légitimité de la lutte pour l’égalité de salaires femmes-hommes qui est une revendication que le prolétariat fait sienne, il s’agissait d’un mouvement interclassiste, représentatif de la difficulté de la classe ouvrière à s’organiser sur son propre terrain. Que le CCI, si souvent prompt à dénoncer les dérives des autres sur la question du terrain de classe, ne s’en rende pas compte, montre le poids de ses illusions sur les luttes actuelles.

L’avant-dernier exemple est celui de la grève du textile au Bangladesh. Du fait de l’importance de l’industrie textile dans le pays, deuxième exportateur mondial de vêtements derrière la Chine et comptant près de 3 500 usines textiles sur son territoire [8], les luttes de classes sont fréquentes et significatives dans ce pays, ce qui témoigne d’ailleurs de l’importance grandissante des pays extra-européens, et notamment asiatiques, dans la lutte de classes. Ainsi, depuis le scandale du Rana Plaza, on compte plusieurs luttes de prolétaires pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail : janvier 2019 ; novembre 2021 ; août 2022. La grève de novembre 2023 s’inscrit donc dans une séquence de luttes particulière à l’histoire sociale récente du pays. La rupture, loin de dater de 2022, remonte donc plutôt à 2013, date de l’écroulement du Rana Plaza, et symbole pour le prolétariat bangladais de l’effroyable exploitation qu’il subit au nom de la rentabilité du capital.

Enfin, le dernier exemple évoqué est celui du Québec. Le Monde nous révèle ainsi que « Depuis fin novembre, l’ensemble de la fonction publique – écoles, hôpitaux, services sociaux – est à l’arrêt au Québec. Du jamais-vu depuis cinquante ans » [9]. Il s’agit donc là encore d’un épisode de lutte de classe significatif à l’échelle de la région, et il importe de voir si celui-ci pourra servir de point d’appui pour les luttes futures du prolétariat ou bien si, comme pour tant d’autres luttes hier comme aujourd’hui, celle-ci ne représentera qu’un feu de paille.

 

Conclusion

 

Nous avons cherché à vérifier l’existence d’une rupture sur trois plans différents : quantitatif, qualitatif et historique. Nous avons montré que le recours aux statistiques ne témoigne en rien d’une séquence analogue à celle de 1965-1975. Nous avons également mis en évidence les énormes faiblesses de ces luttes qui se soldèrent soit par une défaite, soit par une victoire obtenue au prix d’un renforcement des illusions syndicales et réformistes. Dans un cas comme dans l’autre, le prolétariat n’est pas parvenu à s’auto-organiser et à imposer ses propres moyens d’action. Cela s’explique non pas par une faiblesse intrinsèque du prolétariat mais bien par le poids de cinquante ans de recul significatif de la conscience de classe et par la plus longue période contre-révolutionnaire de l’histoire. Enfin, nous avons montré que les situations selon les pays sont variables : si, pour la Grande-Bretagne, les États-Unis ou encore le Québec, les épisodes de lutte récents ont de l’importance, c’est dépasser la mesure que de prétendre que cela suffit pour déceler une rupture historique du même ordre que celle des années 60-70. La synchronicité des luttes ne fait pas le moindre doute, elle s’explique par le poids de l’inflation dans de nombreux pays en 2022-2023 (Figure 7). Cependant, deux choses doivent être mises en évidence. Tout d’abord, cette synchronicité a été temporellement limitée, la bourgeoisie étant parvenue à apporter sa réponse aux différents conflits sociaux, comme en Allemagne où les syndicats ont obtenu satisfaction ou en France, où elle est parvenue à vaincre le mouvement sans rien lui concéder. Le refus de la bourgeoisie britannique de faire des concessions aux syndicats explique, quant à lui, la relative poussée des luttes dans ce pays à laquelle nous avons assisté. Même en admettant qu’une rupture a eu lieu en 2022-2023, il n’en demeure pas moins que celle-ci a déjà cessé. Une seconde remarque qui tend à relativiser l’idée d’une rupture est que cette synchronicité des luttes a existé à de nombreuses reprises par le passé, sans pour autant que cela ait été le signal d’une reprise historique de la lutte des classes. Un coup d’œil dans la presse du CCI suffit à prendre conscience de ces fausses ruptures annoncées régulièrement avec une risible assurance : « Thèses (sic) sur l’actuelle reprise de la lutte de classe » Revue internationale n° 37, 2e trimestre 1984 ; « Éditorial : La difficile reprise de la lutte de classe » Revue internationale n° 76, 1er trimestre 1994 ; « Un tournant dans la lutte de classe - Résolution sur l’évolution de la lutte de classe » Revue internationale n° 119, 4e trimestre 2004 ; « Éditorial : partout dans le monde, face aux attaques capitalistes, la reprise de la lutte de classe » Revue internationale n° 130 ; 3e trimestre 2007 ; « Face au danger d’une reprise de la lutte de classe… » (« Gouvernement et syndicats main dans la main pour faire passer la réforme », Révolution internationale n°480, janvier-février 2020).

Sans prétendre à l’exhaustivité, cette sélection permet au lecteur de juger de la pertinence méthodologique d’une organisation se flattant d’identifier des ruptures historiques dans la lutte des classes à peu près une fois par décennie. Il y a fort à parier que l’analyse actuelle du CCI rejoindra les précédentes dans la longue liste d’erreurs et de bluffs dont est coutumière cette organisation.

Certes, il est naturel que des révolutionnaires s’enthousiasment devant toute manifestation de lutte de classe. Cependant, en tant que socialistes scientifiques, porteurs d’une méthodologie à des années-lumière de l’empirisme et de l’immédiatisme, ceux-ci doivent savoir analyser avec précision l’évolution de la lutte des classes. Autrement, ils ressembleront à ces pseudo-révolutionnaires qui en 1929-30, prétendant assister à une « troisième période » de lutte de classe, firent du bluff une pratique systématique, montant en épingle chaque petite grève comme annonciatrice de la révolution imminente. Puisse ce modeste article rappeler aux révolutionnaires la nécessité d’une analyse sérieuse, rigoureusement fondée sur la méthode marxiste, et rejetant le double écueil de la désillusion et du bluff permanent.

 

Monbars, août 2024

 

[1Voir l’article du CCI « Aller plus loin qu’en 1968 ! ».

[3« Grèves au Royaume-Uni : Le retour de la combativité du prolétariat mondial », Révolution Internationale n°496.

[4« However, it is not or should not be normal for "alternative" trade unionists and part-time internationalists to rejoice in a struggle that has not only been, overall, a loser, but has not advanced class consciousness an inch. » dans Battaglia Communista.

[5« Le sabotage prémédité de la lutte : Tirer le bilan du mouvement contre la réforme des retraites » dans Le Prolétaire, n° 549.

[6Quelques exemples supplémentaires : pour le Bangladesh, « La grève de l’année passée n’aura pas réussi à faire plier les patrons et l’État, mais ce n’est pas une défaite » dans Le Prolétaire n°551 ; pour la Suède, « À l’exception de la grève sauvage des transports en avril, toutes ces grèves depuis octobre ont été étroitement contrôlées par les syndicats. » dans Révolution internationale n°500 ; pour le Québec, « Malgré ses limites et l’avertissement qu’elle contient déjà sur les dangers mortels pour le développement des luttes futures de se laisser enfermer dans les manœuvres de la bourgeoisie et les pièges de l’encadrement syndical » dans Révolution internationale n°500.

[7 Euronews , March 2023 : “Historic strike in German transport for better wages” (Our translation)

[8« Au Bangladesh, une grève historique des ouvriers du textile », Libération, 8 novembre 2023.

[9« Grève historique des services publics au Québec », Le Monde, 14 décembre 2023.