Forum pour la Gauche Communiste Internationaliste
« Je suppose naturellement des lecteurs qui veulent apprendre quelque chose de neuf et, par conséquent, aussi penser par eux-mêmes […] Tout jugement inspiré par une critique vraiment scientifique est pour moi le bienvenu » (Marx, introduction au Capital).
S’ouvrir aux nouveautés, penser par soi-même, appeler à la critique, telles étaient les invitations faites par Marx dans l’introduction à son ouvrage majeur, Le Capital [1]. Rosa Luxemburg abondait dans le même sens lorsqu’elle écrivait que « Le marxisme est une vision révolutionnaire du monde qui doit appeler à lutter sans cesse pour acquérir des connaissances nouvelles, qui n’abhorre rien tant que les formes figées et définitives et qui éprouve sa force vivante dans le cliquetis des armes de l’autocritique et sous les coups de tonnerre de l’histoire » [2]. De même, Lénine demandait de « nullement regarder la théorie de Marx comme quelque chose de fini et d’intangible… au contraire, [cette théorie] a simplement posé la pierre angulaire de la science que les socialistes doivent pousser plus loin dans toutes les directions, s’ils ne veulent pas se laisser distancer par la vie » [3].
Si notre regard critique sur la société s’alimente au matérialisme historique, si nos analyses politiques s’inspirent des apports de la Gauche Communiste [4], et si nous nous efforçons d’en approfondir les bases théoriques, nous devons avoir le souci permanent de soumettre toutes nos conclusions au « cliquetis des armes de l’autocritique et sous les coups de tonnerre de l’histoire » [5], et donc d’en faire un objet de Controverses. Autrement dit, élaborer un marxisme vivant et non un dogme achevé et intangible.
C’est sur cette base critique que Controverses entend promouvoir toutes les initiatives qui œuvrent à la clarification des buts et des moyens de la lutte émancipatrice de l’humanité pour s’extraire des millénaires de domination de l’homme par l’homme, et contribuer au regroupement de tous ceux qui se reconnaissent dans cet objectif. Tels sont l’esprit et les fondements de notre projet.
C’est pourquoi Controverses est un lieu de débat, un Forum, au sens d’un espace ouvert à tous ceux qui s’inscrivent dans une telle perspective. La participation à notre projet est basée sur la motivation de chacun à confronter ses idées et à faire aboutir les activités qui sont collectivement définies et mises en œuvre par ceux qui les portent. A l’heure actuelle, elles consistent en :
– a) des discussions communes ;
– b) la parution de la revue Controverses ;
– c) la tenue d’un site Web international du même nom ;
– d) l’élaboration de divers projets éditoriaux sous forme de livres et de brochures ;
– e) la tenue de controverses publiques et d’interventions au sein des luttes sociales ;
– f) toutes autres activités décidées en commun
Ce projet résulte d’un bilan s’appuyant sur les cinq constats politiques majeurs suivant :
1) La classe ouvrière a subi une défaite historique très profonde suite à l’échec des tentatives révolutionnaires ayant secoué la planète entre 1917 et 1923 [6]. Cette défaite s’est cruellement faite ressentir sur tous les plans (répression, dégénérescence de ses partis politiques, etc.), mais encore plus au niveau théorique par un travestissement des bases mêmes du marxisme. Le stalinisme a été présenté comme sa quintessence et l’URSS sa réalisation. Jusqu’à la fin des années 1960, et dans des conditions extrêmement difficiles, seules quelques infimes minorités ont sauvegardé la flamme et l’honneur du communisme : (a) en luttant contre ses défigurations staliniennes, (b) en tirant les leçons politiques des échecs du mouvement, (c) en léguant de précieux approfondissements à leur propos [7], et en jetant un pont pour assurer la continuité avec les générations futures. Nous pensons aux divers courants de l’Opposition Internationale de Gauche animée par Trotski, aux groupes se rattachant à la Gauche Communiste Internationale, ainsi qu’aux multiples résistances à la contre-révolution stalinienne.
2) L’œuvre d’approfondissement permanent du matérialisme historique tel qu’il existait dans le dernier tiers du XIXème siècle jusqu’en 1923 a brusquement pris fin. A titre d’exemple, nous citerons : Dialectique de la nature (Engels), Darwinisme et marxisme (Pannekoek), La femme et le socialisme (Bebel), L’origine du christianisme (Kautsky), L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat (Engels), etc. De tels approfondissements fondamentaux des bases théoriques du marxisme dans toutes ses dimensions ont quasiment disparu du champ du marxisme révolutionnaire et, en particulier, de la Gauche Communiste. En effet, les conditions de son époque (1923-68) et ses faibles forces ne lui ont pas permis d’aller au-delà d’un bilan politique de l’échec de cette première vague révolutionnaire. C’était la priorité de l’heure. Durant près d’un demi-siècle, ces groupes et minorités n’ont guère eu l’occasion de traiter et d’approfondir les fondements du marxisme et d’y intégrer les évolutions des sciences et de la société. Certes, il existe bien quelques exceptions à ce tableau, mais elles se comptent sur les doigts d’une main d’un manchot [8].
3) Les héritiers actuels des groupes historiques de la Gauche Communiste ont eu le mérite de faire revivre ce courant politique, d’approfondir certaines de leurs analyses, et de développer une intervention prolongeant cette orientation. Cependant, force est de constater qu’ils n’ont pas rempli leurs tâches sur plusieurs plans importants :
– a) A part certaines contributions tout à fait valables, et sur lesquelles nous reviendrons, les apports politiques du courant historique de la Gauche Communiste ont plus été préservés que fructifiés par ses continuateurs actuels.
– b) Nombreuses sont les questions politiques dont la clarification n’a pas été poursuivie et qui doivent encore être approfondies.
– c) Nombreux également sont les sujets qui ont été présentés comme des avancées théoriques majeures, alors que la réalité est venue soit les démentir, soit en rendre caduques des pans entiers.
– d) Enfin, les groupes actuels se revendiquant de la Gauche Communiste ne sont pas parvenus à rendre au marxisme ses lettres de noblesse en reprenant son approfondissement « dans tous les domaines de la connaissance » [9]. Leur apport en la matière se réduit à quasiment zéro.
– e) Pire, lorsque certains de ces groupes ont tenté de s’y aventurer, c’est soit pour réaffirmer de façon dogmatique des énoncés surannés datant de plus d’un siècle, soit pour reprendre des théories étrangères au marxisme.
Autrement dit, s’il était absolument indispensable de tirer les leçons politiques de la défaite de la vague révolutionnaire au début du XXème siècle, il est actuellement plus que jamais nécessaire d’aller au-delà afin de les approfondir, mais aussi et surtout de combler le retard immense pris par le développement des bases théoriques du marxisme, et ce dans tous les domaines de la connaissance depuis près d’un siècle. Cette tâche est incontournable, du moins concernant toute une série de questions clefs si l’on veut être à la hauteur de l’enjeu actuel qui est Socialisme ou barbarie, révolution communiste ou descente aux enfers dans une succession de crises et de conflits de plus en plus dévastateurs [10].
4) Depuis l’échec des Conférences Internationales des groupes de la Gauche Communiste (1977-1980), aggravé par le recul de la lutte de classe après 1989, l’état général de ce courant politique se caractérise par un décalage croissant entre les nécessités posées par l’histoire et les insuffisances de ses réponses politiques. Celles-ci se limitent, pour l’essentiel, à répéter les leçons des expériences passées. Or, face aux enjeux actuels, au retard pris par le marxisme, et aux questionnements des nouvelles générations, ces réponses ne suffisent plus. Il est donc plus qu’urgent d’actualiser le projet révolutionnaire en reprenant la tâche d’approfondissement des bases théoriques du marxisme laissée en suspens depuis le début du XXème siècle.
5) En contraste avec toute l’histoire passée du mouvement ouvrier, en 40 ans d’existence, les héritiers du courant historique de la Gauche Communiste ne sont ni arrivés à réaliser un bilan commun (ni même à sérier et préciser les contours de leurs désaccords), ni à créer une dynamique de clarification collective, et encore moins de regroupement. Au contraire, une partie de ce milieu se caractérise par des crises à répétition, des scissions et des invectives tournant le dos à une véritable culture du débat au sein du milieu révolutionnaire prolétarien.
L’ensemble de ces constats imposent de nous pencher sur les quatre axes suivants qui nous apparaissent comme prioritaires dans la situation présente :
1) Débarrasser le marxisme de toutes ses déformations (surtout celles laissées par le stalinisme) et ce, tant sur les plans politiques qu’organisationnels. Par exemple, voici comment sur ce dernier aspect, s’exprimait un éminent représentant de la Gauche Communiste et fondateur du Courant Communiste International dans le Bulletin intérieur de la Ligue de l’Opposition Internationale de Gauche du 10 avril 1932 (Marc Chirik) : « L’importance de la discussion politique, les divergences profondes et les courants qui se font jour, ne peut plus échapper à personne. […] Il faudrait donc que cette discussion soit profitable comme il convient, pour tous les camarades et pour l’avenir de l’organisation, par les problèmes débattus, par la clarté des réponses données sur des points restés jusque là dans l’obscurité… Pour qu’il en soit ainsi, il est nécessaire que toute l’organisation et la commission exécutive en premier lieu observent jalousement les règles de démocratie dans la discussion, les plus larges, faisant tous les efforts afin de ne pas laisser troubler la marche de cette dernière, empêcher toute déviation tendant à transformer la discussion politique en question de discipline, même s’il y a indiscipline caractérisée et jusqu’à la dernière limite (la lutte contre l’organisation à l’extérieur), ne prendre aucune sanction contre qui que ce soit. A plus forte raison, il faut empêcher à ce qu’elle prenne une tournure envenimée de querelle de personnes, ou qui tente à expliquer tout par le caractère psychologique de tel ou tel autre camarade. Tout cela volontairement ou non étouffe la discussion et jette un voile sur les divergences réelles qui se sont fait jour ». De telles leçons politiques sur le plan organisationnel sont précieuses pour éradiquer toutes les visions et pratiques héritées du poids de la contre-révolution.
2) Actualiser et développer la vision marxiste du monde sur l’homme et la société en reprenant l’approfondissement du matérialisme historique et dialectique, l’analyse de la succession des modes de production, la question des rapports hommes-femmes, de la religion, de la nature humaine, de la morale et de l’éthique, de l’anthropogenèse, etc. Ceci passe par l’assimilation critique des principaux apports de la science à la théorie marxiste, à l’image de ce qu’avait pu faire le mouvement révolutionnaire au XIXème siècle : « Marx n’avait rien d’un négateur sombre et hautain de la science et de la culture bourgeoise […] On ne doit jamais craindre les conclusions auxquelles la recherche scientifique peut aboutir […] toute science doit être cultivée pour elle-même et que … [disait Marx] ceux qui ont la chance de pouvoir se consacrer à des études scientifiques doivent être les premiers à mettre leurs connaissances au service de l’humanité » [11]. « Toute nouvelle découverte scientifique véritable, peut et doit être assimilée et intégrée au marxisme, élargissant ainsi les champs d’investigation de sa méthode » [12].
3) Revisiter et approfondir les fondements sur lesquels les minorités de la Gauche Communiste ont résisté durant toutes les années de contre-révolution. Nous pensons plus particulièrement à la théorie des crises, aux fondements de la phase d’obsolescence du capitalisme, aux conditions de la révolution, aux multiples problèmes liés à la période de transition vers le socialisme, etc.
4) Répondre aux questions nouvelles posées par le développement du capitalisme, de ses idéologies, par la montée des luttes sociales, et par l’émergence de nouveaux éléments politisés de par le monde. Nous pensons aux questions de l’écologie, du productivisme, des conditions de la période de transition vers le socialisme dans toutes ses composantes, etc.
[13]
Sans ce développement des bases théoriques et politiques du marxisme lui-même, les avant-gardes qui s’en revendiquent ne pourront être à la hauteur des enjeux concernant l’avenir de l’humanité. Peu après avoir exprimé sa fameuse formule « Sans théorie révolutionnaire pas de mouvement révolutionnaire », Lénine insistait fermement sur l’idée que « Seul un parti guidé par une théorie d’avant-garde peut remplir le rôle de combattant d’avant-garde » [14]. En effet, théorie et pratique, ou approfondissement politique et intervention, sont deux termes se fécondant mutuellement. Réfléchir en chambre est tout aussi stérile que s’agiter sur des bases erronées. Mais ces deux termes ne sont ni dans un rapport quelconque, ni mécaniquement liés dans un sens ou l’autre ; ils dépendent du contexte et de la période. Aujourd’hui, les enjeux historiques et les nécessités d’intervention dans les luttes sociales nous imposent de façon urgente ce retour aux fondements du marxisme. Sans cela, toute agitation sera vaine. Ce n’est pas pour rien que juste après sa formule célèbre Lénine souligne que : « On ne saurait trop insister sur cette idée à une époque où l’engouement pour les formes les plus étroites de l’action pratique va de pair avec la propagande à la mode de l’opportunisme ». Tel est le danger majeur qui guette les groupes de la Gauche Communiste à l’heure actuelle : à trop insister sur les nécessités – bien réelles – d’interventions dans la réalité sociale (« l’engouement pour les formes les plus étroites de l’action pratique »), ils en oublient les fondements et les bases théoriques qui fécondent cette intervention et versent alors dans « la propagande à la mode de l’opportunisme ». En réalité, aujourd’hui, ce sont les nécessités de l’intervention dans les luttes sociales dans un contexte de crise économique et de conflits militaires permanents qui imposent l’urgence d’un approfondissement politique d’ampleur « du marxisme dans tous les domaines de la connaissance » [15].
Sans cela, les groupes de la Gauche Communiste ne pourront pas surmonter, ni l’hétérogénéité encore immense des leçons politiques qu’ils ont respectivement tirées de l’échec de la vague révolutionnaire entre 1917 et 1923, ni les clivages politiques majeurs qui les séparent, et encore moins les conflits réguliers qui les déchirent. Ces quatre priorités constituent une condition sine qua non au dépassement de la crise politique qui sévit au sein et entre les groupes de la Gauche Communiste. Celle-ci est tantôt ouverte, tantôt larvée, et elle se manifeste à des degrés divers chez les uns et les autres. Mais force est de constater qu’elle est bien réelle et handicape terriblement les groupes actuels lorsqu’il s’agit d’assumer leurs responsabilités historiques.
En effet, il faut malheureusement constater que de nombreuses entraves parsèment la route qui mène à la nécessaire réactualisation du projet révolutionnaire et rendent sa destination d’autant plus incertaine. Ces entraves sont celles qui guettent toutes avant-gardes en période de montée générale des luttes sociales telle qu’elle s’est ouverte depuis 1968, et qui exige la clarification politique et le regroupement des forces militantes :
– 1) l’incapacité à se hisser théoriquement et pratiquement à la hauteur des enjeux historiques ;
– 2) les difficultés à se concevoir et agir comme un élément parmi d’autres dans une dynamique d’ensemble du milieu politique prolétarien.
L’histoire du parti bolchevik nous éclaire à plus d’un titre à ce sujet, lui qui risqua à plusieurs reprises de rater le train de l’histoire :
– 1) dans un premier temps, les Bolcheviks préconisèrent la dissolution des Conseils Ouvriers surgis en 1905 car ils les considéraient comme des concurrents du parti (!) ;
– 2) en 1914, la direction en Russie adopta une position défensiste sur la question de la guerre impérialiste (!) ;
– 3) jusqu’au vote des Thèses d’avril (1917), les Bolcheviks défendront la nécessité en Russie de passer obligatoirement par l’étape nationale démocratique avant celle de la révolution prolétarienne ;
– 4) en octobre 1917, quasiment toute la direction du parti s’opposait à l’idée même de l’insurrection.
Le parti bolchevik doit sa faculté à se redresser au moment voulu avant tout à son ouverture internationale et aux débats menés avec les autres composantes de la social-démocratie [16], et, en particulier, avec la plupart des scissions issues de son congrès de 1903 avec lesquelles il ne cessera de travailler en vue d’établir des collaborations, ainsi que les bases d’une clarification politique et d’un regroupement [17].
Autrement dit, les principaux dangers auxquels les minorités révolutionnaires doivent faire face aujourd’hui sont le repli sur soi et l’ossification théorique par l’enfermement dans le dogmatisme et le monolithisme : « Tant que le parti reste le creuset où s’élabore et s’approfondit l’idéologie de la classe, il a pour règle, non seulement la liberté la plus grande, des idées et des divergences dans le cadre de ses principes programmatiques, mais a pour fondement le souci de favoriser et d’entretenir sans cesse la combustion de la pensée, en fournissant les moyens pour la discussion et la confrontation des idées et des tendances en son sein. Vu sous cet angle de la conception du Parti, rien ne lui est aussi étranger que cette monstrueuse conception d’un parti homogène, monolithique et monopoliste. L’existence de tendance et de fraction au sein du Parti n’est pas une tolérance, un droit pouvant être accordé, donc sujet à discussion. Au contraire, l’existence de courants dans le Parti – dans le cadre des principes acquis et vérifiés – est une des manifestations d’une conception saine de la notion de Parti » [18].
C’est pour contribuer à déblayer la voie vers la clarification et le regroupement sur des bases théoriques, politiques et organisationnelles saines que Controverses a vu le jour. En d’autres termes, tout en tenant compte du changement de période qui n’est plus au reflux mais à la reprise historique des combats de classes, notre objectif essentiel est de reprendre ce qui était le souci de la revue Bilan mais qu’elle n’a pu mener complètement à bien compte-tenu des conditions d’alors : « […] une critique intense qui visait à rétablir les notions du marxisme dans tous les domaines de la connaissance, de l’économie, de la tactique, de l’organisation », et ce sans « aucun dogme », sans « aucun interdit non plus qu’aucun ostracisme », et « par le souci de déterminer une saine polémique politique » [19]. Ceci est plus que jamais indispensable afin de réussir un nouvel « Octobre 17 » sous peine de se retrouver comme ces « vieux bolcheviks […] qui répètent stupidement une formule apprise par cœur, au lieu d’étudier ce qu’il y avait d’original dans la réalité nouvelle » [20].
Des trois plans (théoriques, politiques et pratiques) définis par Engels pour caractériser les responsabilités qui incombent à la classe ouvrière et ses avant-gardes : « Pour la première fois depuis que le mouvement ouvrier existe, la lutte est dans ses trois directions coordonnées et liées entre elles : théorique, politique et économique-pratique (résistance aux capitalistes) » [21], ce sont surtout les deux premiers que nos faibles forces nous permettrons d’assurer. En effet, ne nous considérant pas comme une nième organisation rajoutant une couleur au kaléidoscope du paysage politique de la Gauche Communiste, chacun d’entre nous est entièrement libre de soutenir ou de s’engager dans les activités des organisations politiques existantes (ce qui est le cas pour plusieurs d’entre nous). Par ailleurs, Controverses défendra et participera aussi aux initiatives prises par ces dernières moyennant un accord collectif sur leur pertinence.
Le Forum pour la Gauche Communiste Internationaliste qui publie cette revue Controverses est un regroupement de divers éléments dans plusieurs pays qui partagent le bilan et les objectifs décrits dans cet éditorial. Une partie de ses participants ont été militants et/ou sont sympathisants de diverses organisations de la Gauche Communiste. A ce titre, ils ont élaboré de nombreuses contributions, projets de brochures et livres sur les sujets et dans l’orientation décrite dans cet éditorial. Malheureusement, tout ce matériel a très peu été pris en compte, discuté et/ou publié. Les jugeant de grande qualité, Controverses publiera ce matériel au fur et à mesure [22]. Cette année encore paraîtront deux ouvrages sur la crise et les questions économiques, une brochure sur L’obsolescence du capitalisme, et un livre qui actualise l’ouvrage d’Engels sur l’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat [23]. De même, nous poursuivrons les séries d’articles entamées dans cette revue sur le matérialisme historique, sur le darwinisme et le marxisme, ainsi que sur la théorie des crises, et nous en engagerons d’autres sur des sujets comme : l’évolution des modes de production, les rapports hommes-femmes dans l’histoire de l’humanité, la nature humaine, le marxisme et la psychanalyse, la morale, etc.
Afin d’alimenter le débat et approfondir la théorie marxiste, il était de tradition dans les organisations du mouvement ouvrier de faire paraître toutes les analyses et prises de positions visant à son développement. En rupture avec cette pratique, en 40 ans d’existence, les groupes actuels de la Gauche Communiste n’ont quasiment jamais publié de livres ou brochures dédiés à la défense d’une position non officielle !
Prenons un exemple, un seul, très peu connu, mais fort emblématique de cette nécessité absolue de publier et discuter les positions minoritaires au sein du mouvement ouvrier car, comme le disait Lénine : « il faut être myope pour considérer comme inopportunes ou superflues les discussions de fraction et la délimitation rigoureuse des nuances » [24].
En 1906, le dirigeant de la fraction bolchevik du POSDR à cette époque – A. Bogdanov – rédige un ouvrage sur l’Empiriomonisme. A sa sortie, il fut salué par tous, y compris par Lénine. Peu après, suite à ses réflexions, ce dernier en fera une critique virulente car il estimait que ce livre était consacré « presque entièrement à des attaques contre le matérialisme dialectique » et que les idées qui y étaient défendues représentaient « une véritable campagne contre la philosophie marxiste » [25]. Cette critique, Lénine la rédigera seul au cours d’un intense travail dans les bibliothèques de Londres et de Paris … à tel point que ses camarades s’inquièteront de ses nombreuses absences aux réunions. Une fois son analyse terminée, Lénine revient participer à l’activité du parti et demande que son travail soit publié et discuté. Cette requête fut immédiatement approuvée comme il était de tradition dans le mouvement ouvrier. Après une intense discussion interne et publique, les bolcheviks rejetèrent les idées de Bogdanov et adoptèrent celles de Lénine [26].
Ce qui est intéressant de souligner ici au niveau organisationnel, c’est que jamais le comité central du parti bolchevik ne prétexta du fait que la critique centrale portée par Lénine à la démarche du texte de Bogdanov (à savoir qu’elle n’est pas marxiste, mais idéaliste) n’avait pas été discutée en tant que telle dans les débats internes du parti pour ne pas la publier directement à l’extérieur. Jamais non plus il ne prétexta du fait que ce livre de Bogdanov avait été salué et approuvé lors de sa sortie par tout le parti (y compris Lénine) pour ne pas publier la critique ultérieure de ce dernier. De même, jamais Lénine ne fut discrédité ou l’objet de résolutions disciplinaires pour s’être absenté aux réunions du parti et avoir travaillé individuellement de longs mois dans son coin.
Autrement dit, en publiant à l’extérieur du parti et en soumettant immédiatement à la discussion toutes les critiques, le parti bolchevik mettait en pratique une réelle culture du débat, conforme à la tradition au sein du mouvement ouvrier, culture de débat que la Gauche Communiste de France (GCF) défendra fermement plus tard face aux errements dogmatiques et monolithiques du bordiguisme, comme le montre la citation de la Gauche Communiste de France à la page 6.
De même, par sa compréhension de l’attitude de Lénine, par l’absence de mesures disciplinaires à son encontre, la fraction bolchévik concrétisait également les préceptes que toute organisation doit suivre en matière organisationnelle pour donner la priorité aux débats, tels qu’ils sont rappelés par Marc Chirik dans la citation du bulletin intérieur de la Ligue de 1932 (cf. supra).
Controverses défendra fermement l’esprit et la lettre de cette pratique de liberté de critique au sein du mouvement ouvrier. C’est ce même esprit et principe que Rosa Luxemburg défendait ardemment lorsqu’elle constata que le parti bolchevik ne le respectait plus assez : « C’est un fait absolument incontestable que, sans une liberté illimitée de la presse, sans une liberté absolue de réunion et d’association, la domination des larges masses populaires est inconcevable. […] La liberté seulement pour les partisans du gouvernement, pour les membres d’un parti, aussi nombreux soient-ils, ce n’est pas la liberté. La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement » [27]. C’est aussi ce même principe que Lénine avait défendu lorsqu’il exhortait les militants de son parti à ne pas accorder une confiance aveugle envers les instances du parti, mais une confiance vérifiée : « il est du devoir des militants communistes de vérifier par eux-mêmes les résolutions des instances supérieures du Parti. Celui qui, en politique, croit sur parole est un indécrottable idiot » [28].
C’est pourquoi Controverses fera preuve d’intransigeance et d’impatience dans la défense et l’application de ce principe de liberté de critique sans attendre que certains se réveillent pour enfin donner tous les moyens aux positions minoritaires et au débat de s’exprimer et se tenir. Outre l’absence quasi totale d’ouvrages ou brochures dédiés à la défense d’une position minoritaire, en 40 ans d’existence d’une partie des organisations de la Gauche Communiste, il n’y eut, à notre connaissance, pas la moindre tendance ou fraction interne reconnue qui ait impulsé le débat et la clarification politique dans un sens positif. Au contraire, à chaque fois que des divergences un tant soit peu sérieuses sont apparues au sein de ces organisations, elles se sont quasiment toujours soldées par des départs, démissions et scissions. Il en va de même en ce qui concerne l’expression externe des débats internes : ils sont extrêmement rares et datent pour l’essentiel d’une époque où ces organisations étaient en train de se constituer. Ceci est terriblement significatif des visions et pratiques organisationnelles erronées qui sévissent encore dans le milieu révolutionnaire.
Ceci est en contraste total avec toute la pratique du mouvement ouvrier, et notamment du parti bolchevik qui, en une période d’existence nettement plus courte (1903-21), connut des dizaines de tendances et plusieurs fractions qui, à peu près toutes, ont positivement animé la vie du parti et se sont résolues dans l’unité retrouvée suite au débat. De même, en une petite vingtaine d’années les bolcheviks ont publié des dizaines de brochures et d’ouvrages défendant des positions autres que l’officielle !
Ceci n’est pas pour nous surprendre car les principaux combats (et même les scissions) au sein du mouvement ouvrier ont la plupart du temps commencé par des divergences posées au niveau du fonctionnement. Celles-ci sont révélatrices de désaccords plus profonds qui n’ont pu être librement assumés et confrontés. C’est pourquoi des désaccords en matière organisationnelle cachent toujours des divergences politiques plus profondes qui ne manquent alors pas d’émerger rapidement [29]. En règle générale, l’on peut apprécier l’état politique d’une organisation à la façon dont on y traite les divergences et les camarades en désaccord. Or, lorsque l’on constate l’état d’une partie de la Gauche Communiste à l’heure actuelle, la quasi absence de débats entre ses composantes et en leur sein, le peu d’expressions externes de désaccords et de débats, la rareté dans la résolution positive de ces derniers, les dissensions et conflits douloureux à chaque fois que des divergences apparaissent et l’ostracisme systématiquement réservé aux ‘dissidents’, l’on est bien obligé d’en conclure que le mal ne réside pas au niveau de ceux qui portent les désaccords, mais des organisations qui ne parviennent pas à vivre avec des divergences.
Controverses ne manquera pas de revenir sur ces questions cruciales pour l’avenir des avant-gardes prolétariennes et leur capacité ou non à être à la hauteur de leurs tâches historiques.
Lorsque les deux fondateurs du socialisme scientifique présentent ce qu’ils considèrent être leurs apports théoriques essentiels, ils se réfèrent à « ces deux grandes découvertes : la conception matérialiste de l’histoire et la révélation du mystère de la production capitaliste au moyen de la plus-value […] » [30].
Telle est la raison principale du choix ayant motivé deux de nos articles, l’un sur Comprendre la crise économique qui traite de la crise actuelle, mais en la replaçant dans le cadre de la phase d’obsolescence du capitalisme et des lois qui gouvernent sa dynamique et ses contradictions, et l’autre sur Le matérialisme historique et dialectique qui tente de rétablir l’essence de la méthode marxiste quant à ses concepts méthodologiques les plus élémentaires.
De même, lorsque Engels prononça son discours sur la tombe de Marx en 1883, il souligna que : « Tout comme Darwin découvrit la loi du développement de la nature, Marx découvrit la loi du développement de l’histoire humaine ». Telle est la raison de notre article sur cette question intitulé Karl Marx à l’ombre de l’année Charles Darwin 2009 .
En effet, ces trois articles d’approfondissement théorique s’inscrivent dans le triple esprit animant Controverses : d’abord, revenir aux racines de la conception marxiste du monde et de sa méthode et le débarrasser des legs du stalinisme qui s’y sont glissés durant la phase de contrerévolution (1928-68), ensuite, approfondir les bases mêmes du marxisme pour rompre avec la longue parenthèse en ce domaine, parenthèse qu’il continue de subir depuis la fin de la première vague révolutionnaire (1917-23), et enfin, renouveler et assainir le bagage théorique de la Gauche Communiste sur ces deux plans.
Il en va ainsi de la célébration de l’Année Darwin qui jette un triple voile idéologique sur Marx et le marxisme, voile que l’introduction à notre série d’articles se propose de déchirer :
– 1) L’oubli de cet autre anniversaire qu’est la parution - la même année 1859 que L’Origine des espèces de Darwin - de la Critique de l’économie politique de Marx où il exposait pour la première fois au prolétariat mondial les lois de l’évolution des sociétés humaines dans son fameux Avant propos à la Critique de l’économie politique (1859). Il y résume sa conception du monde et sa méthode d’analyse : le matérialisme historique et dialectique. Cette parution, Marx la considérait lui-même comme décisive car « devant assurer une victoire scientifique au parti » [31].
– 2) Cet oubli n’est pas innocent puisque l’ouvrage de Marx est le pendant pour les sociétés humaines de celui de Darwin pour le reste du monde vivant comme l’expliquait Anton Pannekoek dans Marxisme et Darwinisme [32]. En effet, si c’est la sélection naturelle qui guide l’évolution du monde animal, ce sont par contre les rapports sociaux contradictoires noués par les hommes dans la production et reproduction de leur vie qui deviennent déterminants pour les sociétés humaines.
– 3) Ces oublis sont d’autant moins innocents que l’ouvrage de Marx représente le principal contrepoison à toute la campagne idéologique actuelle consistant à biologiser l’anthropogenèse et les comportements humains puisqu’il y expose « pour la première fois d’une façon scientifique une importante manière de voir les rapports sociaux . C’est donc mon devoir à l’égard du parti que la chose ne soit pas défigurée […] » [33]. En effet, pour Marx, « l’homme est un animal social » [34] et donc sa nature, son « essence humaine c’est l’ensemble des rapports sociaux » [35]. Pour lui, la nature humaine ne préexiste pas à l’homme, c’est l’homme agissant qui définit sa propre nature, elle est le produit de sa propre activité dans le cadre des rapports sociaux qu’il a noué avec ses semblables. En fait, la nature humaine, tout en ayant une composante biologique et s’appuyant sur l’héritage de nos ancêtres, est avant tout un produit social, elle se construit et évolue avec l’histoire des sociétés : « […] l’homme, ce n’est pas une essence abstraite blottie quelque part hors du monde. L’homme, c’est le monde de l’homme, l’Etat, la société » [36].
Tout ceci est d’autant plus important à rappeler que certains dans le milieu révolutionnaire emboîtent malheureusement le pas aux discours tenus par les idéologues de la bourgeoise à l’occasion de l’Année Darwin :
– a) en associant involontairement leurs voix à la campagne actuelle qui maintient Marx à l’ombre de l’année Darwin puisqu’ils oublient complètement de souligner cet autre anniversaire fondamental qu’est la parution de son ouvrage majeur sur la Critique de l’économie politique où il expose les lois de l’évolution des sociétés humaines ;
– b) en faisant nombre de concessions aux conceptions sociobiologiques mettant essentiellement l’accent sur les fondements biologiques des comportements humains alors que le marxisme les enracine au sein des rapports sociaux contradictoires que les hommes ont noués entre eux dans la production et la reproduction de leur vie ;
– c) en allant jusqu’à reprendre certaines conceptions idéalistes les plus en vogue sur l’anthropogenèse - comme celle de la théorie du ‘cerveau d’abord’, du « développement de l’intelligence rationnelle (et donc de la conscience réfléchie) » – conceptions qui ne sont là que pour saper les fondements du marxisme sur le rôle central joué par les rapports sociaux qui se nouent dans les activités matérielles de l’homme pour la production et la reproduction de sa vie, et donc du rôle du travail et des rapports de l’homme à la nature dans le cadre des rapports sociaux qu’impliquent ces activités ;
– d) et en cautionnant de façon laudative et acritique certaines conceptions idéologiques de scientifiques les plus à la mode dans une certaine gauche [37].
Notre article Marx à l’ombre de l’année Darwin se veut donc être une introduction à une série de contributions qui, d’une part, aborderont les rapports entre le Darwinisme et le Marxisme sur les lois qui gouvernent respectivement la nature et les sociétés humaines et, d’autre part, s’attacheront à déchirer les voiles idéologiques jetés par la bourgeoisie sur ces importantes questions que sont l’anthropogenèse et la nature humaine.
De même, notre article de fond sur Comprendre la crise économique , et traitant de la dynamique et des contradictions du capitalisme, vise les mêmes objectifs :
– a) revenir aux fondements mêmes de l’analyse marxiste sur le capitalisme et ses crises ;
– b) actualiser et approfondir ses propres bases, notamment en proposant une analyse originale des Trente glorieuses ;
– c) renouveler et assainir le bagage théorique de la Gauche Communiste sur ces deux plans puisque celle-ci n’a malheureusement pas encore pu se dégager de la fausse opposition entre les tenants de l’explication des crises de surproduction par l’insuffisance des marchés et ceux par la baisse tendancielle du taux de profit. Cette polarisation introduite par l’aile droite de la social-démocratie au début du XXème siècle, et amplifiée par le stalinisme ensuite, n’a pas lieu d’être puisqu’elle n’existe, ni chez Marx, ni dans la réalité. En effet, ce dernier récuse explicitement toute explication monocausale des crises et marie étroitement, tant les contradictions découlant des rapports de répartition du travail social nouvellement créé chaque année qui tendent constamment à restreindre la demande finale, que les contradictions dans la production de profit qui se traduisent par sa baisse récurrente.
L’article Tendances et paradoxes de la situation internationale s’inscrit dans ce même esprit puisqu’il interroge et complète les analyses traditionnellement proposées par les presses révolutionnaires à propos du rôle particulier de la politique américaine, de l’affaiblissement des capacités des puissances et des pouvoirs réels des Etats, de la déstructuration et de l’impossible régulation des contradictions politiques, du développement d’un monde « hors monde », et de la nouvelle configuration des opinions.
La rubrique Echos de la Gauche Communiste relate la vie de ce courant politique duquel nous nous revendiquons, et ce, tant dans sa dimension actuelle qu’historique :
– a) l’Appel au milieu révolutionnaire lancé par Perspective Internationaliste ;
– b) notre réponse enthousiaste et positive à cet Appel ;
– c) un Courrier de la Lettre internationaliste saluant notre projet ;
– d) Enfin, un article sur les 90 ans de Kommounist qui décrit l’apparition d’une fraction de gauche au sein du parti bolchevik en 1918, et la façon dont ce dernier a assumé le débat en son sein. Cette dernière contribution ne se prononce pas sur le fond des positions adoptées par les uns et les autres au sein du parti bolchévik. Ceci sera fait par la suite, notamment concernant l’importante question suivante : la révolution peut-elle s’exporter par les armes comme certains de cette fraction tendaient à le penser ?
Enfin, une note de lecture attire notre attention sur un ouvrage qui relate une tentative d’édification de nouveaux rapports économiques au sein de communes agricoles en Ukraine 1919.
[1] Préface au Capital, 1867, La Pléiade, Economie I : 548 & 551.
[2] Dernière phrase qui clôture son Anticritique dans l’Accumulation du capital.
[3] Lénine, Notre programme, Œuvres, tome 4 : 217-218.
[4] Le courant de la Gauche Communiste se compose de l’ensemble des groupes politiques qui se sont opposés plus précocement que le trotskysme à la dégénérescence de la révolution russe, de la IIIème Internationale et de ses partis. Les plus connus sont la gauche italienne et germano-hollandaise. La page trois de notre couverture reprend quelques sites Web et brochures sur l’histoire et les apports politiques de ce courant.
[5] Rosa Luxemburg, ibid.
[6] En octobre 1917, les Conseils Ouvriers en Russie prennent la direction du pays. En septembre 1918, une insurrection se développe en Bulgarie. Au même moment, des Conseils Ouvriers se sont formés un peu partout en Allemagne et une agitation révolutionnaire se répand entre les mois de novembre 1918 et février 1919. Une République Socialiste des Conseils Ouvriers s’est même constituée en Bavière ; elle tiendra de novembre 1918 à avril 1919. Une révolution victorieuse éclate également en Hongrie et résiste durant six mois aux assauts de la réaction (de mars à août 1919). Enfin, d’importants mouvements sociaux ont secoué nombre de pays de par le monde suite aux difficultés économiques et sociales d’après-guerre.
[7] Citons en particulier la résolution de l’énigme russe (nature du stalinisme défini comme étant une caricature de capitalisme d’Etat), la théorie de la décadence du capitalisme, et les leçons concernant la période de transition et l’utilisation de la violence.
[8] Comme Anthropogenèse de Anton Pannekoek (1945), ou Espèce humaine et croûte terrestre de Amadeo Bordiga (1951-53). Une édition française de Anthropogenèse, Une étude sur l’origine de l’homme est publié avec introduction critique dans (Dis)continuité, publication irrégulière et hors commerce, n• 19, septembre 2004, adresse : François Bochet, Le Moulin des Chapelles, 87 800 Janailhac, France.
[9] Bilan n°1, cf. infra
[10] Ce bilan sera développé dans de prochains numéros de Controverses ainsi que sur notre site Web du même nom.
[11] Editions sociales, Souvenirs sur Marx et Engels : 74 et 323.
[12] Marc Chirik, cité dans Marc Laverne et la GCF, tome II.
[13] Lénine, Que faire ?, extrait du chapitre Dogmatisme et ‘liberté de critique’, d) Engels et l’importance de la lutte théorique.
[14] ibid
[15] Bilan n°1, cf. infra.
[16] « …le mouvement social-démocrate est, par son essence même, international. […] un mouvement qui commence dans un pays jeune ne peut être fructueux que s’il assimile l’expérience des autres pays. Or pour cela il ne suffit pas simplement de connaître cette expérience ou de se borner à recopier les dernières résolutions : il faut pour cela savoir faire l’analyse critique de cette expérience et la contrôler soi-même. Ceux qui se rendent compte combien s’est développé le mouvement ouvrier contemporain, et combien il s’est ramifié, comprendront quelle réserve de forces théoriques et d’expérience politique (et révolutionnaire) réclame l’accomplissement de cette tâche » (Lénine, Que faire ?, ibid).
[17] Sont concernés entre autres Trotski et les groupes qu’il animera : (a) Trotski était président des conseils ouvriers de Petrograd lorsque les Bolcheviks appelaient à leur dissolution ; (b) il était internationaliste lorsque la direction russe du parti bolchevik s’alignait sur le défensisme en 1914 ; (c) bien avant Lénine, il défendait le rôle central de la classe ouvrière dans la révolution russe ; (d) enfin, Trotski était un des rares bolcheviks à soutenir la position de Lénine sur la nécessité de l’insurrection en octobre 1917. Le parti bolchevik s’est trouvé bien souvent à droite de la classe ouvrière et de certaines minorités d’avant-garde (dont Trotski), et c’est à l’ouverture et l’écoute de celles-ci que les Bolcheviks doivent leur capacité à se ressaisir et à être à la hauteur de leurs tâches historiques. C’est cet état d’esprit qui manque cruellement aujourd’hui.
[18] Marc Chirik, Internationalisme n°38, 1948, Sur la nature et la fonction du parti politique du prolétariat.
[19] « Notre fraction en abordant la publication du présent bulletin ne croit pas pouvoir présenter des solutions définitives aux problèmes terribles qui se posent aux prolétariats de tous les pays. […] elle n’entend pas se prévaloir de ses précédents politiques pour demander des adhésions aux solutions qu’elle préconise pour la situation actuelle. Bien au contraire, elle convie les révolutionnaires à soumettre à la vérification des évènements les positions qu’elle défend actuellement aussi bien que les positions politiques contenues dans ses documents de base. […] Octobre 1917 a été possible parce qu’en Russie existait un parti préparé de longue date, qui avait, au cours d’une série ininterrompue de luttes politiques, examiné toutes les questions qui se posèrent au prolétariat russe et mondial après la défaite de 1905. C’est de cette défaite que surgirent les cadres capables de diriger les batailles de 1917. Ces cadres se sont formés au feu d’une critique intense qui visait à rétablir les notions du marxisme dans tous les domaines de la connaissance, de l’économie, de la tactique, de l’organisation : aucun dogme n’arrêta l’œuvre des bolcheviks et c’est justement pour cela qu’ils ont réussi dans leur mission. […] Ceux qui opposent à ce travail indispensable d’analyse historique le cliché de la mobilisation immédiate des ouvriers, ne font que jeter de la confusion, qu’empêcher la reprise réelle des luttes prolétariennes. […] Et cette connaissance ne peut supporter aucun interdit non plus qu’aucun ostracisme. […] Notre fraction aurait préféré qu’une telle œuvre se fit par un organisme international, persuadée comme elle l’est de la nécessité de la confrontation politique entre ces groupes capables de représenter la classe prolétarienne de plusieurs pays. Aussi serons-nous très heureux de pouvoir céder ce bulletin à une initiative internationale garantie par l’application de méthodes sérieuses de travail et par le souci de déterminer une saine polémique politique » (Introduction à Bilan n°1 : Bulletin théorique de la Fraction Italienne de la Gauche Communiste, 1933).
[20] Lénine, Lettres sur la tactique, 8-13 avril 1917.
[21] Friedrich Engels, préface de 1874 à La guerre des paysans en Allemagne, Editions Sociales, p. 39.
[22] C’est déjà le cas pour une partie de ce numéro.
[23] Ce livre est d’un auteur extérieur, mais Controverses a très activement contribué à sa parution prochaine.
[24] Lénine, Que faire ?, extrait du chapitre Dogmatisme et ‘liberté de critique’, d) Engels et l’importance de la lutte théorique.
[25] Préface à la première édition de Matérialisme et empiriocriticisme (1908) qui constitue la réponse de Lénine à Bogdanov et où il dénonce les visions mystiques et idéalistes du marxisme professées par ce dernier.
[26] Cette critique de Lénine fut elle-même l’objet d’une intéressante controverse menée par Anton Pannekoek dans son ouvrage Lénine philosophe.
[27] Rosa Luxemburg : La Révolution russe – 1918
[28] Cité par la Gauche Communiste de France dans sa revue Internationalisme n°25, Marc Chirik, août 1947.
[29] L’éclatement du POSDR au moment et après son congrès de 1903 ; la lutte de la Gauche italienne contre la ‘bolchevisation’ des partis communistes (l’organisation sur la base des cellules d’usine et non plus des sections territoriales) ; le combat de Trotski concernant le régime intérieur du parti bolchevik, combat qui précède ses divergences politiques à proprement parler, etc.
[30] Fin du premier chapitre de l’Anti-Dühring.
[31] Lettre à J. Weydemeyer du 1er février 1859, La Pléiade, Economie I : 272.
[32] Autre ouvrage qui mérite amplement d’être associé à ce bouquet d’anniversaire puisqu’il a été publié il y a cent ans de cela en 1909.
[33] Lettre à Lassalle du 12 novembre 1858 à propos de son ouvrage sur La critique de l’économie politique qu’il considérait comme « le résultat de quinze années d’études, donc du meilleur temps de ma vie ».
[34] Marx, Introduction générale à la critique de l’économie politique, 1857, La Pléiade, Economie I : 236.
[35] VIème thèse sur Feuerbach, notre traduction d’après l’original en allemand : « Das menschliche Wesen ist kein dem einzelnen Individuum inwohnendes Abstraktum. In seiner Wirklichkeit ist es das ensemble der gesellschaftlichen Verhältnisse ».
[36] Karl Marx, Introduction à la Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, 1844, éditions sociales : 157.
[37] Tout ces aspects seront développés dans la suite de cette série d’articles, mais le lecteur pourra déjà largement en prendre connaissance sur notre site web www.leftcommunism.org dans notre présentation et discussion de l’article « Marxisme et éthique » publié dans les n°127 & 128 de la Revue Internationale du Courant Communiste International.