Forum pour la Gauche Communiste Internationaliste
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Déjà depuis quelques temps la Chine a cessé d’être un modèle de succès économique. Le mythe néo-libéral veut que l’économie mondiale soit stimulée par la main-d’œuvre à bon marché. Après le transfert de travail à l’Asie, peu d’ouvriers ont resté dans le procès de travail aux pays occidentaux. La compétition au marché du travail par la migration et de contrats de travail précaire ont ici réduit le nombre de gréves et leur étendu. En Chine ces deux développements n’empêchent pas des combats ouvriers sauvages mais les ont même suscité. Quelles sont les conséquences pour la Chine et pour le monde quand l’espace de négociations économiques se rétrécira sous pression de la crise ?
L’édition web en langue néerlandaise Arbeidersstemmen (“Voix d’Ouvriers”) a publié un recueil d’articles sous le titre Quand, en Chine, un papillon bat des ailes… Croissance stagnante, augmentation des révoltes et des grèves. Celui-ci présente des traductions d’écrits du groupe chinois Chuǎng, de poèmes écrits par le défunt ouvrier de la Foxconn Xu Lizhi, et trois courts articles d’autres groupes. Le recueil se conclut par une postface exhaustive et annotée par l’éditeur qui met en avant une appréciation critique de certaines thèses défendues par Chuǎng. Cette critique s’ancre dans des contributions théoriques et politiques de la gauche communiste germano-hollandaise.
La table de matières qui suit inclut des liens vers les textes en anglais :
1. “Scenarios of the Coming Crisis : A Response to Aufheben” (“Scénarios de la crise à venir : Une réponse à Aufheben”) par Chuǎng
2. “No Way Forward, No Way Back : China in the Era of Riots” (“Pas d’issue devant, pas de retour en arrière possible : la Chine à l’époque des émeutes”) par Chuǎng
3. “Wildcat Strikes at Walmart China” (“Gréves sauvages à Walmart en Chine”) par Working Class Self Organisation
4. Nine poems by a Foxconn Worker Xu Lizhi (1990-2014), (“Neuf poèmes composés par l’ouvrier de la Foxconn Xu Lizhi (1990-2014)”), repris de la traduction en anglais des Friends of the Nao Project
5. “Guiyang’s Casualized Train Attendants Fight Back” (“Les accompagnateurs de train précarisés de Guiyang ripostent”) par le Railroad Workers Bulletin, basé sur la traduction en anglais par Chuǎng
6. “Instead of a Foreword” (“En guise d’avant-propos”), par Fredo Corvo (éditeur)
Chuǎng a annoncé cette publication sur son blog. Dans ce qui suit nous publions le résumé de la postface déjà mentionnée et une courte présentation de Chuǎng et de Arbeidersstemmen respectivement.
Le texte intégral de la postface est disponible en document téléchargeable en bas du résumé.
Controverses, le 30 novembre 2016.
Pour expliquer les marchés chaotiques actuels, l’article présente la théorie de la crise et de l’impérialisme par le communiste hollandais Anton Pannekoek. Dans cette théorie, le concept d’armée de réserve industrielle est essentiel au besoin impérialiste de conquérir des zones extra-capitalistes afin d’intégrer plus de personnes au capitalisme en tant qu’esclaves salariés. Dans ce cadre théorique, Pannekoek considérait la révolution russe comme un catalyseur des mouvements de « libération » nationale surmontant le despotisme asiatique. En 1920, il était plutôt optimiste que les tendances nationalistes de ces derniers et leur hostilité envers les mouvements de libération prolétarienne pouvaient être surmontées sous l’influence du bolchevisme. Après la Seconde Guerre mondiale, Pannekoek prédit que la principale tâche historique du capitalisme serait terminée lorsque les masses de l’Inde et de la Chine auraient été transformées en ouvriers salariés.
Un critique inconnu que le communisme de conseils livrait de Lénine « L’État et la révolution » est avancé contre l’idée de Chuǎng d’une période « socialiste » dans l’histoire de la République Populaire Chinoise, déclarant qu’elle devrait être considérée comme capitaliste d’État. Lénine a adopté une position réformiste qui équivaut à la nationalisation des moyens de production au socialisme, position déjà critiquée par Engels et réfutée par la social-démocratie à la fin du XIXe siècle.
L’identification de Lénine du capitalisme d’État avec le socialisme s’inscrit dans sa distinction de deux étapes dans la période de transition du capitalisme au communisme : une première étape socialiste suivie d’une seconde phase communiste. Lénine et Trotsky - dans une analogie avec la stratégie de Marx et Engels dans les révolutions européennes de 1848 - considéraient la révolution russe comme une révolution bourgeoise exécutée par le prolétariat russe qui, avec l’aide des révolutions prolétariennes dans le reste de l’Europe, serait transformée en révolution communiste dans le cadre de la révolution mondiale. Pendant que cette analogie a négligé le fait que le capitalisme avait déjà laissé derrière lui sa phase progressive, comme le montre la Première Guerre mondiale et que, par conséquent, les révolutions bourgeoises n’étaient plus à l’ordre du jour de l’histoire, elle peut expliquer pourquoi les bolcheviks adoptaient une vision réformiste, en identifiant capitalisme d’état et socialisme.
« L’ironie de l’histoire a fait que, tandis que les bolcheviks tentaient de faire réaliser une révolution bourgeoise par la classe ouvrière dans la lignée de 1848, ils sont devenus, en réalité, les exécuteurs de la tendance générale au capitalisme d’Etat. Ils se sont transformés ainsi de l’avant-garde internationaliste qu’ils avaient été dans la lutte de la classe ouvrière contre la Première Guerre Mondiale, en fossoyeurs du mouvement prolétarien mondial qui avait commencé en Russie en 1917 et se termina avec la défaite des ouvriers chinois en 1927. Oui ! les ouvriers d’Europe centrale et occidentale auraient pu sauver la Révolution Russe, mais pas avec la tactique que les bolcheviks et le Komintern leur imposaient – une tactique basée sur une prétendue révolution bourgeoise accomplie par une classe ouvrière presque inconsciente sous la direction d’un parti qui s’est lui-même substitué à la classe. Cela pose aussi la question du caractère de la Révolution Russe qui aurait pu être sauvée par les ouvriers d’Europe, étant donné que le pouvoir des conseils ouvriers a disparu peu après Octobre sous la puissance croissante de l’Etat. » [6. En guise d’avant-propos ; Communisme, Crise et Conscience]
L’identification du capitalisme d’Etat par Lénine au socialisme comme première phase du communisme a été changée par Staline dans l’idée du « socialisme dans un pays », niant ainsi la nécessité de la révolution mondiale. Au cours de la seconde guerre mondiale, l’idée du prolétariat qui exécutait cette transition au « socialisme » fut remplacée par la conquête militaire.
La Chine n’a échappé aux faillites d’autres pays « socialistes » que par une intégration manifeste dans l’ordre mondial néo-libéral comme « usine du monde ». Avec la stagnation de la croissance économique et l’augmentation des grèves et des émeutes, après 100 ans le capitalisme mondial commence à trembler pour la deuxième fois par la guerre et la menace des luttes ouvrières.
Tout en s’accordant avec les analyses confiant de Chuǎng sur les luttes en Chine - l’impact pour le prolétariat mondial d’un éventuel soulèvement du prolétariat en Chine est égalé à celui des révolutions russes de 1905 et 1917 - le texte fait des critiques sur ce qu’il considère comme des tendances modernistes et académiques dans l’article de Chuǎng "No Way Forward, No Way Back". [1] À partir des analyses historiques de Marx et Engels de 1845 sur le caractère du prolétariat, le texte s’oppose à la limitation à un aspect de « l’identité » du prolétariat, comme celui de la « subordination réelle », ou de la « précarité », à une fraction du prolétariat, comme sa partie « nouvelle » ou « migrante », ou son partie chômeur ou travaillant, et contredit une conception qui réduit la conscience prolétarienne comme expression des « histoires populaires hétérodoxes ».
La conclusion met en garde contre la supposition d’une relation mécanique entre crise et conscience et met en avant le besoin actuel de groupes de révolutionnaires dans le processus de croissance de la conscience de soi de la classe ouvrière.
Résumé par : Fredo Corvo, octobre 2016
Mise en page : Jac. Johanson
Mercredi 30 novembre 2016
Lire ou télécharger le texte intégral de la postface :
Sur Chuǎng
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Pour contacter ‘Arbeidersstemmen’, envoyez votre courrier à : FredoCorvo@gmail.com ou visitez son site web :http://arbeidersstemmen.nl.
[1] Voir : Chuǎng Journal No. 1 : http://chuangcn.org/journal/one/no-way-forward-no-way-back/