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Pour qui sonne le glas ?

A propos du vingtième anniversaire de la Chute du Mur de Berlin (1989-2009)

 

« Le communisme est le mouvement réel qui se déroule sous nos yeux » (Karl Marx)

 

Pour qui sonne le glas ? [1]

Le 10 novembre 2009, les médias européens faisaient leur « une » sur les festivités du vingtième anniversaire de la Chute du Mur de Berlin qui avait eu lieu la veille, dans la capitale de l’Allemagne réunifiée. Sur la photo de famille, les prolétaires des 27 pays membres de l’Union Européenne tentèrent de distinguer leurs dirigeants. Ils virent surtout les 3 « Grands » : Gordon Brown pour le Royaume-Uni de Grande-Bretagne, Nicolas Sarkozy pour la République jacobine française et Angela Merkel pour la République fédérale allemande. Ils aperçurent aussi Dmitri Medvedev, président de la Fédération de Russie depuis l’effondrement de l’U.R.S.S. en 1991 (remplaçant son compère Wladimir Poutine). Cependant, ils eurent beau écarquiller les yeux, ils ne virent pas Barack Obama, ce président démocrate, métis, baptiste, élu un an auparavant, à la tête des États-Unis. Pourtant, les plus anciens se souvinrent du voyage au cours duquel John Fitzgerald Kennedy, en pleine « guerre froide » (1961), avait déclaré : « Je suis un berlinois ». Autres temps, autres mœurs. Absence significative des États-Unis : le Mur de Berlin n’est déjà plus que le vague souvenir d’une époque où il y avait un soi-disant « monde libre » à défendre contre un non moins soi-disant « monde communiste » à combattre.

 

Exit le Mur de Berlin (1961-1989)

La bourgeoisie de tous les pays croit toujours détenir les clés permettant d’annoncer la fin de l’histoire car elle s’imagine en être la dernière classe sociale. Elle pense représenter les intérêts de l’humanité alors qu’elle n’exprime que les intérêts sordides d’une classe exploiteuse : extraction de la plus-value et réalisation du surtravail sur le dos des prolétaires du monde entier. A l’issue de guerres impérialistes multiples, les bourgeoisies ennemies la veille s’entendent le lendemain pour mettre la planète en coupe réglée : pour modifier les frontières au profit des États vainqueurs et aux dépens des États vaincus.

Ce fut le cas en 1945, quand les armées russes (par l’Est) et américaines (par l’Ouest) pénétrèrent en Allemagne pour abattre le nazisme et son IIIe Reich hitlérien (donc l’adversaire capitaliste allemand qui avait pris ces formes fascistes aux lendemains du Traité de Versailles et de la crise économique de 1929). Outre le fait de se partager le monde (conférences de Yalta en 1944, puis de Potsdam en 1945), elles divisèrent l’Allemagne en deux parties opposées : d’un côté la R.F.A. (République Fédérale Allemande) sous la poigne du bloc occidental, de l’autre la R.D.A. (République Démocratique Allemande) sous le knout du bloc oriental. Elles s’entendirent aussi pour cloisonner en deux parties l’ancienne capitale du Reich, située au sein de la R.D.A. Jusqu’en 1961, les prolétaires berlinois du secteur de l’Est se résignèrent, malgré des révoltes tragiques (les émeutes de 1953), à demeurer dans ce cadre politique. Comme les forces de la coalition occidentale agitèrent devant leurs yeux des valeurs telles que « la liberté de travailler pour un meilleur salaire » ils s’enfuirent de plus en plus nombreux vers un eldorado tant vanté. Aussi, les autorités dites « communistes » (P.C. et STASI, la police secrète du Parti-État de la R.D.A.) décidèrent d’ériger un Mur séparant hermétiquement les deux secteurs de la ville. Mais ce hideux édifice, avec ses checks points et ses miradors, ne résista pas longtemps à la pression continue des prolétaires qui voulaient négocier de façon plus avantageuse leur force de travail. Certains n’hésitèrent pas à escalader le Mur de différentes manières et au péril de leur vie. La répression systématique déstabilisa l’équilibre interne du régime de la R.D.A. qui s’était porté garant de la construction de ce Mur. En novembre 1989, tout implosa et les prolétaires berlinois du secteur/est cassèrent des pans entiers de la Muraille qui leur obstruait l’horizon. Ce fut une véritable liesse populaire avec les ouvriers de l’ex-secteur/ouest. Mais les dirigeants d’alors : R.F.A./Bloc occidental d’un côté, R.D.A./Bloc oriental de l’autre, tentèrent une ultime récupération. Peine perdue. Autant en emporte le vent. La R.D.A. implosa à son tour ainsi que le bloc de l’Est deux ans après (effondrement de l’U.R.S.S., comme un château de cartes, en 1991). Les ouvriers de l’ex -R.D.A. et de l’ex-Berlin/Est ne parvinrent pas à intégrer facilement le marché « libre » du travail de l’Allemagne réunifiée dont le territoire fut délimité à l’Est par la ligne Oder-Neisse. Ils eurent même une certaine nostalgie (traduite par exemple dans le film : Goodbye Lénine) d’une vie « protégée » des aléas (baisse des salaires, chômage, manque de logement…) qu’ils avaient connue sous l’ancien régime de capitalisme d’État baptisé « socialisme ».

 

Pas d’Éternité pour la chute du Mur de Berlin (1989-2009)

L’implantation du Mur avait à peine duré vingt-huit ans. La résonance historique de sa « Chute » ne fit pas écho très longtemps aux oreilles des prolétaires du monde entier. Ils étaient préoccupés par d’autres murailles que celle érigée au cœur de la Vieille Europe occidentale comme symbole de la « Guerre froide » à l’échelle planétaire. Le grand vainqueur (États-Unis / OTAN / Alliés européens) ne put pas profiter de sa supériorité provisoire malgré l’ouverture des marchés est-orientaux. Dans les vingt ans qui suivirent, il fut assailli de contradictions sous le poids de la crise économique (approvisionnement en pétrole et gestion des pétrodollars).

 Dans un premier temps, les États-Unis entraînèrent l’ensemble de leurs alliés dans la « Guerre du Golfe » (1992-1993), sous prétexte que le dictateur de l’Irak (Saddam Hussein, le « grand Satan » du moment) avait envahi le Koweït. Il ne faut pourtant pas oublier que celui-ci avait mené une guerre de huit ans contre l’Iran, servant par là même les intérêts de l’Occident (qui le soutint en armements), et qu’en conséquence, il réclamait un gage (le rattachement du Koweït à l’Irak, État dont les frontières furent tracées par l’impérialisme anglais en fonction de ses ressources pétrolières).

 Dans un deuxième temps, les États-Unis furent attaqués sur leur territoire le 11septembre 2001 : destruction des Tours du World Trade Center à l’aide d’avions détournés de leurs vols réguliers par des terroristes camouflés parmi les passagers. Ces attentats furent revendiqués par Al-Quaida (une organisation secrète islamiste), ayant à sa tête un certain Oussama Ben Laden, autre « grand Satan » qui traita lui-même les U.S.A. de « grand Satan » (thème récurrent depuis l’Ayatollah Khomeiny). Retournement d’alliance puisque les États-Unis avaient soutenu les combattants islamistes contre l’invasion de l’Afghanistan par l’impérialisme russe !

 Dans un troisième temps, les États-Unis repartirent en guerre dans le Golfe (2003). Le président étasunien d’alors, le républicain G.W Bush parla d’un « Axe du Mal » et porta directement la guerre en Irak au nom de « Dieu est à nos côtés », avec comme objectif la destruction du régime baasiste et la prise de contrôle par l’armée du pays et de la région. Bagdad tomba et Saddam Hussein fut pendu comme un vulgaire escroc. Mais la société irakienne livrée à elle-même malgré le contrôle militariste, sombra peu à peu dans le chaos et laissa les communautés musulmanes (chiites et sunnites) face à face. Les poids « lourds » européens (Allemagne et France) avaient refusé de participer à cette guerre (frais de l’expédition militaire, crainte de troubles civils sur leurs territoires,…) et provoquèrent par là un certain délitement du « bloc » occidental.

Anesthésié par ces jeux de pouvoir inter-capitalistes et par les ravages sociaux de la crise économique (chômage massif, immigrations de toutes sortes…), le prolétariat du monde entier assista, impuissant, à l’histoire qui se déroulait sans lui et se replia dans des luttes revendicatives, corporatistes. Il fut à nouveau repris en mains par les syndicats et les partis politiques de toute obédience. On peut cependant, donner comme exemple d’une exception qui confirma la règle, le mouvement des cheminots français (grève avec occupations des lieux de travail, manifestations...) contre la menace d’un démantèlement de la Sécurité Sociale. Pendant le mois de décembre 1995, ce mouvement s’étendit à toute la France et toucha jusqu’aux petites villes moyennes (5.000/10.000 habitants), ce qui n’avait pas eu lieu, même en Mai 1968 ! Le gouvernement recula, le 1er ministre Juppé « sauta » et la « gauche plurielle » (avec son 1er ministre Jospin) fut appelée en renfort (1997-2002) pour mener une politique de gestion social-démocrate de la crise. Le prolétariat français sombra provisoirement dans l’illusion démocratique (Chirac contre Le Pen). Mais, dès 2006, le mouvement dynamique et massif des « jeunes précaires » contre le C.P.E. (Contrat de Première Embauche) fit reculer le 1er ministre Villepin qui dut annuler son projet de loi : adieu l’heure de gloire du discours à l’O.N.U. où il s’était opposé à la guerre en Irak !

 Dans un quatrième temps, les États-Unis s’engagèrent dans la guerre en Afghanistan (2005) sous le prétexte de poursuivre le mollah Omar (un paysan islamiste) et le « mythique » Ben Laden/Al-Quaïda (toujours l’Axe du Mal !) qui se seraient réfugiés parmi les maquis Talibans, dans les montagnes afghanes jouxtant le Pakistan. Le président Bush (réélu) poursuivit l’effort guerrier dans cette zone vitale à contrôler pour l’approvisionnement en pétrole. Voulant une part du gâteau, les alliés européens changèrent leur fusil d’épaule et envoyèrent des troupes, ce qui ne fut pas suffisant pour venir à bout des Talibans et provoqua des retours douloureux de cercueils. On vit même comme acte d’allégeance envers les États-Unis, le président « post-gaulliste » Sarkozy faire revenir l’armée française dans le Commandement intégré de l’OTAN.

Mais, courant novembre 2009, le général Stanley McChrystal, commandant des forces du Traité de l’Atlantique Nord en Afghanistan, réclama toujours plus d’importants renforts militaires pour parvenir à mâter la guérilla des paysans pachtounes, située à Kandahar et au sud du pays (où une partie islamiste de ces paysans a rejoint les Talibans). Aussi, début décembre, le « Grand Commandement » poussa Obama à tenir un discours à l’école militaire de West Point dans lequel il annonça l’envoi de 30 000 soldats supplémentaires sur le terrain des opérations. Il demanda également à ses alliés européens d’augmenter leurs contingents. Par ailleurs, les États-Unis s’efforcèrent d’instaurer un processus démocratique en s’appuyant sur un homme-lige : Hamid Karzaï, président « élu » et dévoué à leurs intérêts, dans le but que le gouvernement afghan (avec lui ou un autre) soit en mesure à terme de rétablir l’ordre.

Les difficultés sont immenses pour l’État américain car, en 2008, au-delà de ce que les médias désignèrent comme une simple crise « financière » (dite des subprimes) l’ensemble du système capitaliste à connu une véritable crise de surproduction à cause d’une chute dans la demande d’où la reprise de banques et d’institutions d’assurances par les États. Tout le personnel politique et économique des pays développés (G20 qui désormais remplace le G8 en intégrant les pays dits « émergents ») a été bouleversé par les ravages de cette « Crise du Capital » et tente de s’en remettre. Mais, début décembre 2009, la crise de gestion financière de Dubaï (endettement) et de tous les Emirats arabes unis est revenue agiter le spectre de faillites en chaîne.

Pour les dirigeants de la « Vieille Europe », il fallait absolument se préparer à « fêter » les vingt ans de la Chute du Mur de Berlin en s’efforçant d’être enthousiastes pour conforter le mythe d’une libération politique fondamentale. La date fatidique du 9 novembre 2009 approchant, il y eut un petit branle-bas de combat médiatique…mais la montagne accoucha d’une souris. Le monde « libre » ayant fait la preuve de son incurie économique malgré la faillite du monde dit « communiste », la liesse populaire fut très limitée même si les effets idéologiques liés au Mur de Berlin ne disparaîtront pas forcément aussi vite de la conscience prolétarienne. La « Vieille Europe », comme incarnation du dogme occidental (les grandes découvertes et les colonialismes), n’en finit plus de terminer son cycle de domination sur le marché mondial auquel l’impérialisme américain avait succédé avec la deuxième boucherie mondiale. Face à cela, quelles digues économiques pourront contenir la division croissante entre les nations de cette Europe des 27 et maintenir le mythe fondateur né pendant les années de prospérité d’après-guerre ? Les prolétaires européens seront nécessairement confrontés aux effets dévastateurs de la crise.

 

Deux autres murs réifiés par le temps historique

Depuis 1947 et 1974, deux Murs autres que celui de Berlin ne sont pas tombés et leurs effets idéologiques continuent de peser sur le cerveau des vivants qui ne parviennent pas à enterrer leurs morts. Réfléchissons sur ces cas, non pas particuliers, mais révélateurs d’une époque de Prospérité puis de Crise d’après la deuxième boucherie mondiale.

 

Le Mur entre Israël et la Palestine (1947-2009)

Les quatre guerres successives entre l’État d’Israël et les pays arabes (1948, 1956, 1967, 1973) ont montré que le Moyen-Orient au sens large (du Liban à l’Iran) était un « abcès de fixation » pour les contradictions inter-capitalistes (politiques et économiques) au-delà de l’affrontement entre les israéliens et les palestiniens. Après 1945, les États-Unis qui soutinrent les organisations sionistes armées pour instaurer l’État d’Israël en 1947 (attentats, plasticages…), avaient poussé les britanniques (victimes de ces actes terroristes) à abandonner leur mandat sur la Palestine. Le partage de celle-ci aboutit à laisser aux palestiniens la Cisjordanie et la bande de Gaza dans la perspective d’établir leur futur État, que les démocraties occidentales et l’U.R.S.S. soutenaient, par rapport à l’emprise des États-Unis sur la région. Mais l’hégémonie israélienne (forte de l’appui indéfectible des U.S.A.) fut la plus forte pour élargir et assurer les frontières de son État. Face aux agissements des colons (à l’aide des religieux fanatiques) pour réaliser le « Grand Israël » [qui sont contrôlés par « Tsahal » = l’Armée], la Cisjordanie s’est réduite comme une peau de chagrin parsemée d’implantations pro-israéliennes. Depuis 1991, la perspective d’un État palestinien n’a fait que régresser pour ne plus reposer que sur le bon vouloir américain si elle s’avère nécessaire à la stabilité géopolitique.

Jérusalem, ville historique et sainte (celle des trois religions monothéistes) a été partagée entre deux secteurs : l’ouest relié à l’État d’Israël, l’est comme possible capitale du futur État palestinien. Chaque jour, les colons harcèlent les quartiers arabes en expropriant les habitants de leurs maisons. Au-delà de Jérusalem, un Mur compact et de haute taille a été construit pour contrôler les ouvriers palestiniens venant travailler sur le territoire israélien. Avec les menaces d’attentats terroristes, c’est un casse-tête permanent pour que ce passage soit assuré. Ce Mur symbolise la partition contenue dans les accords de 1947. Il assure la « pax americana » et la sécurité d’Israël où vivent des populations arabes considérées comme des citoyens de seconde zone (que certains extrémistes voudraient aujourd’hui expulser). Cependant, les intérêts économiques et financiers de cet État sont à Tel Aviv.

Il y a un an, la bande de Gaza passée aux mains des extrémistes religieux du Hamas a été envahie en partie et bombardée par Tsahal (qui s’est ensuite retirée). La « paix » est revenue, mais ce mini-territoire est surveillé en permanence par terre et par mer (les pêcheurs palestiniens ne peuvent plus poser leurs filets). Abbas, le technocrate de l’O.L.P. (Organisation de Libération de la Palestine), n’a plus rien à négocier et laisse la chaise vide. C’en est fini de l’image du guerrier Arafat et de son Keffieh ! Derrière leur Mur pharaonique, les autorités extrémistes d’Israël doivent donc gérer vaille que vaille la situation avec le Hamas. Du côté de la frontière avec l’Egypte, cette organisation s’efforce de contrôler des tunnels par où transitent toutes sortes de marchandises.

Les pays arabes sont profondément divisés et se désintéressent progressivement du sort des palestiniens. Tous, du Machrek au Maghreb, sont dirigés, avec l’appui des États-Unis, par des autocrates plus corrompus les uns que les autres du fait de leur manne pétrolière et financière (mais l’endettement les guette à l’exemple de la faillite de l’Emirat de Dubaï). Héritier d’une paix séparée avec Israël, conçue par Sadate avec Begin, l’égyptien Moubarak au pouvoir depuis quarante ans en est le symbole le plus criant. En quoi peut-il se soucier d’une « identité nationale » palestinienne ? Sa police contrôle les tentatives de passage des travailleurs de Gaza par un réseau de souterrains vers l’Egypte. Un point, c’est tout.

Au Liban, les milices chrétiennes pro-israéliennes ont commis des massacres dans les camps de réfugiés palestiniens (ainsi, ceux commis dans les camps de Sabra et de Chatila en 1982 !). Auparavant, à Aman, le roi Hussein de Jordanie avait orchestré la tuerie de « Septembre noir » contre les feddayins de l’O.L.P., pour empêcher la jonction entre les palestiniens de son royaume et ceux de Cisjordanie. Il avait marqué en lettres de sang les limites arabes d’un État palestinien. Réfugiés à Beyrouth, face à l’offensive de Tsahal, l’O.L.P. d’Arafat avait dû fuir en bateaux et se réfugier en Tunisie. Quant à la Syrie, elle se trouve des points communs avec Israël, dans sa préoccupation vis-à-vis des ambitions de l’Iran. En effet, la République islamique (de Khomeiny à Ahmadinejab), héritière des intérêts de l’empire perse (que le Shah avait ravivés), menace de faire parler le feu nucléaire. En tout cas, elle fait monter les enchères non seulement par rapport aux États-Unis mais aussi vis-à-vis des pays du Golfe et de l’Arabie Saoudite au premier chef.

Seuls des mouvements sociaux (en cas de radicalisation politique comme en Iran) pourront troubler le jeu inter-capitaliste dans les pays de toute la zone moyenne-orientale, en dépassant le cadre de simples émeutes de la faim. S’ils parvenaient à poser leurs intérêts de classe au-delà des sirènes nationalistes, ce Mur symbole de la misère sociale et humaine tomberait avec fracas : il laisserait alors place à une unité prolétarienne dépassant le pouvoir des États en les détruisant de fond en comble.

 

Le Mur de Nicosie (Chypre) entre la Turquie et la Grèce (1974-2009)


A la fin du mandat britannique dans les années 1960, régnait sur l’île de Chypre un gouvernement pseudo-autonome sous la houlette du très orthodoxe Monseigneur Makarios. La Grèce s’était débarrassée du régime des colonels fascisants en 1967 et avait repris un visage aussi démocratique qu’attrayant pour le tourisme occidental comme pour la danse de Zorba baptisée « sirtaki » par les studios hollywoodiens. Mais, du fait des pressions de la crise au Moyen-Orient en 1973 et face à l’incertitude politique de la succession de Makarios, l’aviation turque bombarda brutalement Chypre en 1974. Ce qui provoqua la fuite des prolétaires chypriotes de langue grecque, installés au nord de l’île. Des négociations succédèrent aux nombreux morts de civils innocents, dénombrés des deux côtés, et l’O.N.U. décréta une partition de Chypre pour respecter les « droits » des États belligérants, ceux de l’agresseur comme ceux de l’agressé. Le Nord fut rattaché à la Turquie comme territoire annexé, mais sans colonisation, et il se proclama « indépendant » sans avoir une existence légale reconnue par la Communauté européenne (à laquelle la Grèce n’avait pas encore adhéré). Le Sud eut un gouvernement chypriote légal, autonome qui s’intégra à l’Union européenne en ayant une délégation à New-York, au siège de l’ONU. Mais il demeura lié par la langue et les intérêts économico-stratégiques à la métropole grecque autour d’Athènes. Le récit de l’antique guerre gréco-troyenne avait été inventé par Homère (Auteur « collectif » plus qu’individuel) sur les ruines encore fumantes de Troie (actuellement petit site près d’Izmir), puissance battue par les cités grecques maritimes et leur fameux « Cheval » (ruse de bataille pour prendre une forteresse de l’intérieur). La suite a donné lieu a des tragiques enlèvements d’otages comme celui de la troyenne « Andromaque » revivant sans cesse le « sac » de sa ville et évitant de céder aux exigences de son ravisseur par fidélité à son époux assassiné. Ce récit « mythique » éclaire toujours l’histoire des relations entre les hellènes et les troyens, entre divers autres peuples, entre les puissances maritimes et terrestres.

La rivalité entre la Grèce et la Turquie puise ses sources dans le démantèlement de l’empire ottoman et reste toujours latente autour de la possession des îles de la Mer Egée parce qu’elle n’a pas été réglée par les traités ayant mis fin aux deux boucheries mondiales successives. En 1974, elle s’est juste déplacée un peu vers l’Orient et reste aujourd’hui encore focalisée sur cette île qui était jadis une tête de pont de la puissance vénitienne (c’est à Famagouste que Shakespeare, un autre auteur « collectif », situa la tragédie du maure Othello étranglant sa femme Desdémone qu’il soupçonnait de le tromper). Située à l’intérieur de Chypre et à la frontière entre les deux zones, la capitale Nicosie baigne dans sa moiteur (ou sa froideur) continentale et elle est toujours partagée en deux parties (comme le fut Berlin). Il y a Nicosie Nord (la turque) et Nicosie Sud (la grecque) : c’est une ligne dite « verte » qui les sépare, surveillée par des casques bleus. Le tracé de cette ligne passe au sein de Nicosie entre des maisons, des groupes de maisons ou des quartiers, et même à l’intérieur de maisons particulières, entre deux pièces, là où le cessez-le-feu a arrêté les combattants d’une atroce guerre impérialiste. C’est un Mur hermétique, avec des miradors et des points de passage pour aller, pendant quelques heures, d’une zone à l’autre. Des pourparlers diplomatiques incessants, sous l’égide de l’O.N.U., ont eu lieu, mais en vain, car ils se sont heurtés à l’intransigeance absolue des deux parties. Aucun camp ne veut céder quoi que ce soit par peur de perdre le moindre avantage. C’est un imbroglio politique dont la solution est repoussée aux calendes gréco-turques. C’est la partie chypriote, de langue grecque et de religion orthodoxe, développée économiquement et admise, en tant que telle (c’est-à-dire en toute indépendance de la Grèce), au sein de l’Union européenne qui, en décembre 2009, demanda à Athènes de résorber son endettement faramineux sous peine d’un « clash mercantile ». Mais la partie chypriote de langue turque et de religion musulmane, peu développée et dépendante économiquement de la métropole, n’est pas considérée comme pouvant se rattacher de façon autonome à l’Europe des 27 pays. Quant à la Turquie, c’est encore une autre paire de manches. Sa partie géographique occidentale, en deçà du détroit des Dardanelles, avec Istanbul (anciennement Byzance et Constantinople) comme centre névralgique, fait indéniablement partie du continent européen (si on ne considère pas celui-ci comme la pointe avancée du continent asiatique !). Mais la majeure partie du pays est orientale (direction dans laquelle s’est développé l’empire ottoman) avec sa capitale Ankara créée par Kemal Atatürk qui fit de la Turquie une république laïque et fit traduire le Coran de la langue arabe vers la langue turque. La candidature de l’ex-« homme malade » de l’Europe (selon l’expression désignant l’empire ottoman en 1914) reste sous le boisseau. Il y a, en effet, trop de divergences qui empêchent l’Union européenne de prendre une position claire à son égard : la Turquie devrait donner des gages en faisant un pas en avant dans la reconnaissance du génocide arménien de 1915 et en desserrant son étreinte policière sur les territoires kurdes à l’Est. Ainsi, dans le cadre d’une civilisation judéo-chrétienne, Sarkozy est farouchement opposé à l’intégration d’une Turquie musulmane, avec mosquées et minarets ainsi que voiles islamiques pour les femmes. En fait, il redoute une vague d’immigration qui deviendrait légale au sein de la zone « euro ». Préserver les marchés du travail, c’est un enjeu crucial face à la crise économique mondiale.

Des mouvements sociaux en voie de radicalisation ont eu lieu dans toute la Grèce depuis l’hiver 2008-2009. Dans les principales villes, comme Athènes ou Salonique, des grèves touchant divers secteurs de la production ont éclaté tandis que se produisirent des occupations d’entreprises ou de nombreux bâtiments administratifs et que des manifestations très violentes harcelaient et faisaient reculer les forces de police. Il semble que des groupes prorévolutionnaires aient participé à ces mouvements et essayent à l’heure actuelle d’en tirer les leçons pour un avenir peut-être proche. Il s’agira de rompre avec la léthargie réifiante d’un temps historique où continue de sommeiller l’absence de rapports sociaux entre les hommes. Quand les prolétaires grecs et turcs agiront de concert, le Mur de Nicosie tombera de lui-même et l’île de Chypre sera de nouveau le séjour de Vénus.

 

Transition

Nous n’analyserons pas cette fois-ci l’origine des immenses Murs qui parsèment la croûte terrestre. Cela ne signifie pas qu’ils soient moins importants ou moins symboliques que les trois examinés ci-dessus. Mais il faut prendre le temps nécessaire pour mieux cerner leurs tenants et leurs aboutissants. Il faut aussi espérer que le mouvement révolutionnaire internationaliste, embouchant les trompettes de Jéricho, sapera les conditions historiques qui les font s’éterniser. Signalons juste le Mur-Frontière (avec passage du Rio Grande) qui sépare les États-Unis du Mexique et vise, entre autres, à empêcher une immigration massive de latinos au sein de la métropole d’Amérique du Nord. Après la Grande Muraille et les Murs de la Cité interdite de Pékin, prenons conscience des barrières technologiques qui se dressent entre la Chine juvénile et l’Amérique du Nord vieillissante. A cause de ces barrières, s’opposent le « pacifique » Hu Jintao et le « guerrier » Barack Obama : le premier pénètre sans combat la Sibérie et l’Afghanistan, tandis que le second est contraint d’attaquer l’Afghanistan et de déléguer le vieux couple Medvedev/Poutine sur la route triomphale du commerce chinois en Sibérie. Depuis les événements de la place Tien An Men (printemps 1989), le Parti-État n’a fait que confirmer la politique industrielle choisie par Deng Xiao Ping en vue de moderniser le pays à l’aide des technologies bureautiques de management. Cette ligne s’est imposée historiquement par rapport aux errements agrestes de Mao Tsé Toung, ce nationaliste antijaponais. La « longue marche » des campagnes devait encercler les villes mais ces conurbations recueillent aujourd’hui des paysans ruinés à leurs périphéries et en leurs centres (bidonvilles). Nous assistons à la composition d’un lumpenprolétariat auquel s’ajoutent les ouvriers sans-travail (le reste des paysans étant retournés mourir de faim dans leurs contrées d’origine). Le Parti-État protège jalousement ses conquêtes industrielles et ses secrets de fabrication technologique contre toute tentative étrangère cherchant à déstabiliser les piliers politiques de son régime (cf. le thème des meneurs extérieurs au mouvement lors des manifestations de la place Tien An Men). Derrière ses Murs de puissance du XXIe siècle, le capitalisme d’État chinois peut se payer le luxe de régner sans avoir recours au parlementarisme bourgeois en vogue dans les démocraties occidentales.

 

Le Mur de l’Argent

« Il ne faut pas se fier à Barack Obama. Nous avons besoin d’un nouveau mouvement social du genre de ceux des années 1930 et des années 1960, seuls moments de l’histoire où le gouvernement a réagi en adoptant des lois pour changer le cours des choses ; un nouveau grand mouvement social qui ferait savoir au gouvernement que nous ne souhaitons plus faire la guerre, que nous ne défendrons pas un régime enrichissant les plus riches tout en n’offrant à trop de gens que désespoir et dénuement » (Howard Zinn, Au-delà de Barack Obama, Lux éditeur, Montréal, 2009, p.35).

 

Le Mur de l’Argent est celui qui contient
tous les autres

Depuis l’origine du capitalisme, il est fondé sur l’exploitation du prolétariat par la classe bourgeoise. Il s’agit de se reporter à l’analyse de Karl Marx dans « Le Capital » concernant le procès d’extraction de la plus-value qui est réalisée en argent par le biais de la circulation des marchandises entre les deux tableaux de l’existence matérielle : I- Celui des Biens de production, II- Celui des Biens de consommation. La bourgeoisie refuse d’admettre qu’elle est soumise quotidiennement au fétichisme de la marchandise : vente et achat d’un volume de valeurs d’usage par sa transformation en valeurs d’échanges. Derrière la détermination abstraite qui fixe le coût du travail, ce sont des millions de vies concrètes menacées de perdition. Plus la société « nage dans les eaux glacées du calcul égoïste » (cf. le « Manifeste du Parti Communiste »), plus elle n’a de sens que dans le solipsisme revendiqué par l’anarchiste individualiste, Max Stirner, dans son ouvrage « L’Unique et sa propriété ». Chacun pour soi et Dieu pour tous, dit le proverbe. Effectivement, dans toutes les grandes métropoles, chaque individu aliéné par sa recherche d’un travail pour « perdre sa vie à la gagner » (slogan de Mai 68 en France) se regarde le nombril et se croit capable de se tailler un destin dans la jungle sociale. Ainsi, isolé, il consolide le Mur de l’Argent et se condamne à mourir corps et biens ( [2]).

Mais, en 2008, le début d’une crise de surproduction (sous des aspects financiers) a secoué tout le système capitaliste comme une lame de fond transforme les grands navires en de vulgaires coques de noix. Face aux faillites en chaînes, les États sont intervenus pour secourir les banques et pour proposer des plans de relance. Toute la vieille panoplie keynésienne a été ressortie des placards de l’histoire des années 1929-1930. La formule à la mode est redevenue celle du New Deal. Comme si Roosevelt allait ressusciter sous les traits d’Obama alors que celui-ci n’est parvenu qu’à faire voter une réforme de la santé bien pâlichonne par rapport aux protections étatiques des vieux pays européens (Allemagne, France, Royaume-Uni…). Un an plus tard, non seulement, la crise n’est pas résolue mais elle projette ses effets sur le monde du travail pour 2010 : l’inflation et le chômage élevé vont aggraver la perte de pouvoir d’achat ; la stagnation des salaires ne procurera pas une compensation à celui-ci ; la hausse des prix sera étendue à plusieurs secteurs (santé, prestations sociales…). La prolétarisation des classes moyennes sera à l’ordre du jour. Quant aux « pauvres », ils deviendront encore plus pauvres qu’hier. Ainsi, face à l’intensité de la pauvreté qui augmente, la Croix-Rouge française tire la sonnette d’alarme : « Depuis dix-huit mois, le nombre de personnes accueillies a augmenté de plus de 20%. Des populations que nous ne voyions pas autrefois viennent dans nos centres demander des aides alimentaires, des vêtements ou des aides financières directes : ce sont des retraités, des travailleurs pauvres, des smicards en contrat à durée indéterminée [CDI], qui ne parviennent plus à joindre les deux bouts, des jeunes. Ils s’ajoutent aux familles monoparentales et aux précaires qui n’ont jamais cessé de venir » (cf. Journal « Le Monde », vendredi 4/12/2009).

A Berlin, en 1841, Marx avait salué « Prométhée », voleur du feu divin, comme « créateur de l’humanité » (cf. l’avant-propos de sa thèse) ( [3]). En 1842, Friedrich Engels ( [4]) partit à Manchester, où son père était associé à une entreprise de textiles, et il rencontra Karl Marx pour la première fois. Engels demeura deux ans à observer les conditions horribles de l’exploitation du prolétariat par un capitalisme industriel naissant. Revenu à Barmen, en Rhénanie, où se trouvait sa famille de riches cotonniers, il finit de rédiger un livre qui parut en 1845 à Leipzig. Son titre : « La situation de la classe laborieuse en Angleterre ». Écho du livre de Louis Villermé publié en France, cinq ans auparavant : « Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie ». Comme il le précisa dans sa « Préface », Engels traita de la classe ouvrière dans son ensemble, et non pas simplement de certaines branches ou industries particulières. Au-delà de l’enquête, il analysa l’évolution du capitalisme industriel et de ses conséquences sociales. Il chercha à comprendre l’essor du mouvement ouvrier. Ensuite, Engels convaincra son ami Marx de venir s’installer à Londres pour rédiger « l’acte de décès » du capitalisme. Un système économique qu’il considérait plus inhumain que les systèmes précédents pour ceux qui vendaient leur force de travail à son service : les ouvriers. Ainsi, le livre d’Engels fut la tranchée fructueuse qui ouvrit la voie au magistral ouvrage de Marx. Dans la dernière partie intitulée : « L’attitude de la bourgeoisie à l’égard du prolétariat », l’auteur a des réflexions d’une modernité criante sur l’inhumanité de la classe bourgeoise envers les travailleurs :

« Le sordide esprit mercantile imprègne la langue toute entière, tous les rapports humains sont traduits en formules commerciales expliquées sous forme de catégories économiques. Commande et fourniture, demande et offre, supply and demand, telles sont les formules à l’aide desquelles la logique de l’Anglais juge toute la vie humaine. Voilà qui explique la libre concurrence partout, voilà qui explique le régime du « laissez-faire » et du « laisser-aller » dans l’administration, dans la médecine, l’éducation, et bientôt aussi dans la religion, où la domination de l’Église d’État s’effondre de plus en plus. La libre concurrence ne veut pas de limites, pas de contrôle d’État ; tout l’État lui pèse, son vœu le plus cher serait d’être dans un régime tout à fait dépourvu d’État, où chacun pourrait exploiter son prochain à cœur joie comme dans la « société » de notre ami Stirner, par exemple. Mais comme la bourgeoisie ne peut se passer de l’État, ne serait-ce que pour tenir en respect le prolétariat qui lui est tout aussi nécessaire, elle utilise le premier contre le second et cherche à tenir l’État le plus possible à distance en ce qui la concerne. Il ne faudrait cependant pas croire que l’Anglais « cultivé » fait si ouvertement étalage de cet égoïsme. Au contraire, il le dissimule avec la plus vile hypocrisie. – Comment ? Vous dites que les riches Anglais ne pensent pas aux pauvres, eux qui ont bâti des établissements de bienfaisance comme on n’en voit dans aucun autre pays ? Oui-da, des établissements de bienfaisance ! Comme si c’était rendre service au prolétaire que de commencer par l’exploiter jusqu’au sang pour pouvoir ensuite apaiser sur lui avec complaisance et pharisaïsme votre prurit de charité et pour vous présenter à la face du monde en grands bienfaiteurs de l’humanité, alors que vous rendez à ce malheureux que vous avez sucé jusqu’à la moelle, la centième partie de ce qui lui revient ! Bienfaisance qui dégrade plus encore celui qui la pratique que celui qui la reçoit ; bienfaisance qui enfonce encore davantage dans la poussière le malheureux qu’on a foulé aux pieds, qui implique que le paria déshumanisé, exclu de la société, renonce d’abord à la dernière chose qui lui reste, à son aspiration à la qualité d’homme, et mendie d’abord sa grâce auprès de la bourgeoisie, avant qu’elle lui fasse la grâce de lui imprimer sur le front, en lui faisant l’aumône, le sceau de la déshumanisation ! » ( [5]).

Le Mur de l’argent sera un adversaire coriace jusqu’à l’instauration du communisme. Pour abolir le marché mondial et tous les États, les Conseils ouvriers devront prendre le pouvoir politique à l’échelle internationale. Pour lutter contre le développement inégal hérité du mode de production capitaliste, c’est une période de transition qui s’ouvrira alors pour se débarrasser de tous les antagonismes de classes et établir une société fondée sur la satisfaction des besoins humains, donc sans comptabilité prisonnière de l’équivalent argent. Même, si cette lutte risque d’être longue, ce n’est pas une raison pour baisser nos bras nus et abdiquer notre pensée critique.

Guy

Publié dans Controverses n°3, Avril 2010

[1) Ce titre renvoie à celui d’un roman d’Ernest Hemingway. Ce récit romanesque raconte l’histoire d’un américain qui vient se battre pendant la guerre d’Espagne (1936-1939) aux côtés des républicains contre les troupes franquistes. Devant faire exploser un pont, situé dans les montagnes, pour retarder l’avance des fascistes, l’américain rejoint un maquis de paysans où domine l’influence des anarcho-syndicalistes. Le héros va réussir à détruire l’objectif militaire que constituait le pont mais il est abattu, après le dynamitage, en tentant de fuir à cheval pour rejoindre un autre maquis. Le lecteur de notre article comprendra aisément que l’emprunt du titre est purement métaphorique dans la mesure où le glas renvoie au son d’une cloche d’Église annonçant l’agonie d’une personne. Au sens figuré, cela signifie sonner le glas d’une espérance, d’une institution, d’une mode, donc annoncer leur fin, leur chute.

[2) Voir le livre de Christopher Lasch (1932-1994), la culture du narcissisme – la vie américaine à un âge de déclin des espérances, Éditions Climats, Paris, 1999, 333p. Ce livre était paru aux États-Unis en 1979. Son édition française était précédée d’un texte de Jean-Claude Michéa : Pour en finir avec le XXIe siècle. Dans sa préface, Lasch écrivit : « La crise politique du capitalisme reflète une crise générale de la culture occidentale, elle se révèle impuissante à comprendre le cours de l’histoire moderne ou à le soumettre à une direction rationnelle ». Son 1er chapitre annonce la couleur : « L’invasion de la société par le moi ».

[3) Karl Marx, Avant-propos de sa Dissertation de Doctorat intitulée Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Epicure : « Dans le calendrier philosophique, Prométhée occupe le premier rang parmi les saints et les martyrs ». Phrase citée par Dominique Lecourt dans son livre sur les « Fondements imaginaires de l’éthique », intitulé : Prométhée, Faust, Frankenstein (Éditions Synthélabo, Paris, 1996, 158p.

[4) Une biographie de Friedrich Engels vient d’être publiée. Il s’agit d’un livre de Tristram Hunt : Engels, le gentleman révolutionnaire, Éditions Flammarion, Paris, 2009, 591p.

[5) Friedrich Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre, Éditions sociales, Paris, 1973, p.338-339.