Forum pour la Gauche Communiste Internationaliste
Sous le titre de Marx critique du marxisme, les éditions Payot et Rivages publièrent en 2000 une sélection d’écrits de Maximilien Rubel qui, prétendument, veut nous démontrer que Marx n’a rien à voir avec le marxisme. Déjà, sur la quatrième page de couverture du livre, on nous dit : « Vers la fin de sa vie, Marx prononça une phrase curieuse : ’ Tout ce que je sais, moi, c’est que je ne suis pas marxiste’. » Curieusement, on ne nous dit pas dans quel contexte il l’a énoncée, et ce qu’il a réellement voulu dire. Cela n’aurait pas coûté beaucoup de travail : il aurait suffi de citer une lettre d’Engels (auquel, disons-le en passant, Rubel ne témoigne pas beaucoup de sympathie, comme nous le verrons plus loin) et tout aurait été résolu.
Dans une lettre à Conrad Schmidt, du 5 août 1890, Engels disait : « …Etant donné que cet homme (Paul Barth) n’a pas encore compris que les conditions matérielles de vie sont bien la cause première, ceci n’empêche pas que la sphère idéologique réagit à son tour sur elles, bien que son influence soit secondaire, cet homme n’a pas pu comprendre d’aucune façon la matière sur laquelle il écrit. Cependant, je le répète, ces informations ne sont pas de source directe, et Moritz (auteur d’une critique du livre de Barth) est un ami dangereux. La conception matérialiste de l’histoire a maintenant beaucoup d’amis parmi ceux pour lesquels elle n’est pas plus qu’un prétexte pour ne pas étudier l’histoire. Marx avait dit, à la fin des années 1870, en se référant aux ’marxistes’ français : ’Tout ce que je sais, moi, c’est que je ne suis pas marxiste’. » [1] Autrement dit, ce n’est pas Marx qui se rétracte de l’ensemble de son œuvre qui, avec toute raison, peut être qualifiée de « marxisme », non seulement pour son énorme importance mais aussi parce qu’elle a laissé effectivement son empreinte sur tout un mouvement social, politique et révolutionnaire, cela signifie au contraire qu’il prend ses distances face à ceux qui, pour cacher leur méconnaissance de l’histoire, se qualifient eux-mêmes de marxistes.
Mais il est logique qu’on n’évoque pas cette lettre d’Engels, ni qu’on n’explique la signification réelle de la phrase de Marx : si cela se faisait, on commencerait à voir l’intention de Rubel qui, comme nous le verrons tout au long de cette contribution, a pour objet de falsifier Marx.
En effet, un des chapitres de ce livre, le troisième de la première partie, porte pour titre : « Marx, théoricien de l’anarchisme ». Tout au long de ce chapitre, Rubel ne démontre à aucun moment, à travers ses 23 pages, que Marx théorise l’anarchisme, mais il prétend nous présenter un Marx qui est seulement le fruit de son imagination et qui n’a rien à voir avec le Marx ayant historiquement vécu.
Il fut avant tout, outre d’être un révolutionnaire, un matérialiste du début à la fin. Ceci n’empêche pas Rubel de nous dire : « Or, si l’on sait que Marx a eu peu de sympathie pour certains anarchistes, on ignore généralement qu’il n’en a pas moins partagé l’idéal et l’objectif : la disparition de l’État. Il convient donc de rappeler qu’en épousant la cause de l’émancipation ouvrière, Marx s’est d’emblée situé dans la tradition de l’anarchisme plutôt que dans celle du socialisme ou du communisme. Et lorsqu’il a finalement choisi de se dire communiste, cette appellation ne désignait pas à ses yeux un des courants, alors existants, du communisme, mais un mouvement de pensée et un mode d’action qu’il restait à fonder en rassemblant tous les éléments révolutionnaires hérités des doctrines existantes et des expériences de lutte du passé. » [2] Ici on trouve, concentrée en peu de lignes, une grande quantité de falsifications.
En premier lieu, Marx n’a pas partagé l’idéal des anarchistes, mais, à travers l’étude de l’histoire de la société et de son mode de reproduction par son activité, ou Économie Politique, il arriva à la conclusion matérialiste que le prolétariat révolutionnaire, né au sein du capitalisme, serait précisément le fossoyeur de celui-ci comme conséquence des lois qui règlent son développement social et que la société qui lui succèdera sera une société sans classes, et, pour cela, sans Etat. Cette société, Marx l’appela toujours communiste, c’est pourquoi le Manifeste Communiste, écrit à la fin de 1847, se nomme précisément communiste et non pas anarchiste, il n’est donc pas fortuit que le Manifeste commence avec ces paroles : « Un fantôme parcourt l’Europe ; le fantôme du communisme. » Vouloir faire croire que la conception idéaliste des anarchistes équivaut à la conception matérialiste de Marx, c’est-à-dire des communistes, c’est considérer comme des sots ceux qui écoutent une pareille falsification.
En second lieu, le communisme n’est pas un mouvement de la pensée, mais un mouvement de lutte sociale et politique qui tend à la destruction de l’ordre existant pour arriver à une société sans classe. En troisième lieu, le communisme ne réunit pas tous les éléments révolutionnaires hérités des doctrines existantes, car on peut être révolutionnaire sans, pour cela, être communiste.
Rubel nous dit en continuant que : « Marx a développé une théorie de l’anarchie ; mieux, qu’il fut réellement le premier à jeter les bases rationnelles de l’utopie anarchiste et à en définir un projet de réalisation. » [3] Il faut avoir beaucoup d’imagination pour convertir Marx, le matérialiste par excellence, en constructeur rationnel de l’utopie anarchiste. Evidemment, Rubel s’approprie, comme exclusive la revendication des anarchistes d’une société sans Etat, et il ne peut pas concevoir qu’il y en ait d’autres qui luttent aussi pour une société sans Etat, même s’ils font partie de ceux qui sont opposés à l’anarchisme.
Plus loin, Rubel nous dit que Marx, dans ses articles à la Gazette Rhénane de Cologne, « livre le combat pour la liberté de presse en Prusse, au nom d’une liberté qu’il conçoit comme l’essence de l’homme et l’ornement de la nature humaine. » [4] En premier lieu, Rubel oublie que, quand Marx écrit ces articles, il a en vue une révolution bourgeoise qui effectivement a besoin de cette liberté de presse contre le pouvoir féodal régnant. C’est-à-dire, quelque chose qui appartient à une époque historique bien déterminée, pour plusieurs raisons bien déterminées.
De plus, Rubel poursuit et cite La Question Juive de Marx comme un des piliers sur lesquels il veut asseoir la défense de son anarchie mais il semble ne pas avoir lu cette même Question Juive car, dans celle-ci, Marx nous dit, après avoir cité l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « la liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne porte pas préjudice aux droits de l’homme », que « la liberté est donc le droit de faire et d’exercer ce qui ne nuit pas à l’autre. La limite dans laquelle chacun peut se mouvoir sans nuire à l’autre est établie par la loi comme la limite entre deux camps est établie par une clôture. On traite de la liberté de l’homme comme celle d’une monade isolée et repliée sur elle-même […] Mais le droit de l’homme à la liberté ne se fonde pas sur la relation de l’homme avec l’homme, il est bien dans l’isolement de l’homme face à l’homme. C’est le droit de l’homme à un tel isolement, le droit de l’individu limité : limité à lui-même. L’application pratique du droit de l’homme à la liberté est le droit de l’homme à la propriété privée. »
Et après cette critique définitive de la liberté proclamée par la bourgeoisie, arrive Rubel pour nous dire que la liberté est conçue par Marx comme l’essence de l’homme ? Si Rubel n’avait pas tant de phobie pour Engels, il aurait pu nous citer la définition que celui-ci fait de la liberté dans le chapitre onze de la première partie de son Anti-Dühring (livre totalement partagé par Marx et dans lequel figure précisément un chapitre écrit par lui : le chapitre dix de la seconde partie intitulé « Sur l’Histoire critique »). À l’endroit indiqué, Engels nous dit : « La liberté n’est pas dans une indépendance rêvée à l’égard des lois de la nature, mais dans la connaissance de ces lois et dans la possibilité donnée par là-même de les mettre en œuvre méthodiquement pour des fins déterminées. Cela est vrai aussi bien de lois de la nature extérieure que de celles qui régissent l’existence physique et psychique de l’homme lui-même, - deux classes de lois que nous pouvons séparer tout au plus dans la représentation, mais non dans la réalité. La liberté de la volonté ne signifie donc pas autre chose que la faculté de décider en connaissance de cause. Donc, plus le jugement d’un homme est libre sur une question déterminée, plus grande est la nécessité qui détermine la teneur de ce jugement ; tandis que l’incertitude reposant sur l’ignorance, qui choisit en apparence arbitrairement entre de nombreuses possibilités de décision diverses et contradictoires, ne manifeste précisément par là que sa non-liberté, sa soumission à l’objet qu’elle devrait justement se soumettre. La liberté consiste par conséquent dans l’empire sur nous-mêmes et sur la nature extérieure, fondé sur la connaissance des nécessités naturelles ; ainsi, elle est nécessairement un produit du développement historique. » Et après tout cela, est-ce que Rubel peut nous dire sur quoi il fonde son affirmation selon laquelle Marx conçoit la liberté comme l’essence de l’homme et non comme ce qu’elle est réellement, c’est-à-dire un produit de l’évolution humaine, un produit de l’histoire ?
Rubel continue : « La rupture avec la philosophie juridique et politique de Hegel, d’un côté, et l’étude critique de l’histoire des révolutions bourgeoises, de l’autre, lui permirent de fixer définitivement les postulats éthiques de sa future théorie sociale à laquelle il fournira les bases scientifiques de la critique de l’économie politique. » [5] C’est-à-dire que Rubel nous présente un Marx qui premièrement est une éthique, et ensuite un studieux critique de l’économie politique. C’est-à-dire que Marx part de la superstructure sociale – l’éthique forme une partie de la superstructure – et atterrit après sur la base matérielle de la société, dans l’économie. C’est-à-dire qu’on nous présente un Marx interverti, pendant que Marx déjà à cette époque, 1845, nous indique dans L’Idéologie allemande la relation entre l’être et la conscience, entre le matériel et le spirituel, entre la base économique de la société et sa superstructure idéologique.
En un mot, Rubel veut nous faire accepter un Marx rêvé par lui et qui est justement la négation du Marx historique qui a réellement existé.
Comme un bon idéaliste qu’il est, Rubel poursuit : « Ayant saisi le rôle révolutionnaire de la démocratie et du pouvoir législatif dans la genèse de l’État bourgeois et de son pouvoir gouvernemental, Marx a mis à profit les analyses éclairantes d’un Alexis de Tocqueville et d’un Thomas Hamilton… pour jeter les fondements rationnels d’une utopie anarchiste en tant que finalité consciente du mouvement révolutionnaire de la classe… la plus nombreuse et la plus pauvre. » [6] Et quand Marx a-t-il dit que la démocratie engendre l’Etat ? La démocratie est justement une forme de l’Etat, lequel peut revêtir d’autres formes politiques dans le cours du temps, étant donné que l’Etat est engendré par les classes sociales qui sont nées dans le procès de production et de reproduction de la vie matérielle. Le comble est quand il affirme que Tocqueville et Hamilton fournissent à Marx les matériaux pour la construction et l’élaboration d’une utopie anarchiste, alors que toute sa vie, il fut un matérialiste, non pas un utopique, et un communiste, non pas un anarchiste. Et il prétend même que Marx fournit cette utopie comme fin consciente au mouvement révolutionnaire du prolétariat, alors que Marx a toujours dit que la société communiste, société sans classes, sera le fruit du développement matériel de la société et non pas le produit intellectuel d’un quelconque réformateur.
Comme intellectuel idéaliste qu’il est, Rubel ne renonce pas à sa résolution d’inverser les termes : « La critique de l’Etat l’ayant conduit à affronter la possibilité d’une société libérée de toute autorité, il était nécessaire par la suite d’entreprendre la critique du système économique qui assurait les bases matérielles de l’Etat. » [7] Une fois de plus, il nous présente un Marx éthique, avec de bonnes intentions, qui veut justifier ces bonnes intentions en critiquant le système économique en vigueur. Pour la énième fois, Rubel falsifie Marx, car la théorie de celui-ci est précisément le contraire : il existe en premier le mode matériel de production du nécessaire pour vivre, et ce mode de produire engendre, à travers les relations que les hommes établissent entre eux, toutes les idées qui forment la superstructure sociale : philosophie, religion, droit, éthique, politique, etc.
Disons-le déjà, tout à la fois, le fil conducteur de l’argumentation de Rubel consiste à détruire le Marx matérialiste et à nous offrir un Marx idéaliste, à l’image de Rubel et pour son usage particulier.
Rubel : « Marx se fera critique du mode de production capitaliste au nom de l’éthique prolétarienne. » [8] De nouveau, selon Rubel, c’est l’éthique qui dirige l’action de l’homme, ce n’est pas l’action même de l’homme qui engendre l’éthique, dans ce cas l’éthique prolétarienne, car chaque classe a son éthique. Nouvelle interprétation (fausse) de la théorie de Marx.
« [La société sans classes] sera la fin de la préhistoire de l’humanité et le commencement de la vie individuelle, l’apparition de l’homme pleinement développé, aux facultés universelles, l’arrivée de l’homme total. » [9] Il convient de rappeler à ce propos que l’homme est l’homme parce qu’il est social, c’est-à-dire parce qu’il entre en relation avec les autres hommes, et non comme un individu isolé.
« A la morale réaliste de Proudhon… Marx oppose l’éthique d’une utopie dont les exigences sont à la mesure des possibilités offertes par une science et par une technique suffisamment développées pour subvenir aux nécessités de l’espèce. » [10] Jusqu’ici, tout le monde entendait par utopie quelque chose d’irréalisable, mais maintenant Rubel nous offre une utopie fondée sur la science et la technique. Et c’est ainsi que tout lui est permis pour convertir Marx en un utopique, un éthique et un anarchiste.
Et, au cas où nous n’aurions pas encore assez de falsifications, il qualifie (p. 88) d’anarchisme la description que le Manifeste Communiste fait de la société sans classes, la société communiste : « L’antique société bourgeoise, avec ses classes et ses antagonismes de classes, cède la place à une association dans laquelle le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous. »
Infatigable dans son acharnement falsificateur, Rubel poursuit : « Surgi de rêves et de nostalgies tout comme de rejet et de révolte [l’anarchisme] s’est constitué comme une critique radicale du principe d’autorité sous tous ses déguisements, et c’est surtout comme tel qu’il a été absorbé par la théorie matérialiste de l’histoire. » [11] Et quelle est la théorie matérialiste de l’histoire ? Cédons la parole au premier qui l’exposa, à son découvreur, Karl Marx, qui, joint à son ami Friedrich Engels, arriva au même résultat que celui-ci par un chemin distinct : « Pendant qu’en Allemagne, la bourgeoisie, les professeurs crâneurs et les bureaucrates s’efforçaient de mémoriser comme des dogmes intangibles et de comprendre un peu les premiers rudiments de l’Economie politique anglo-française, le parti prolétarien allemand descend dans l’arène. Tout le contenu de la théorie de ce parti émane de l’étude de l’Economie Politique [souligné par E.M.] et dès l’instant de son avènement date aussi l’Economie Politique allemande comme science avec son existence propre. Cette Economie Politique allemande se fonde substantiellement sur la conception matérialiste de l’histoire, dont les traits fondamentaux s’exposent de manière concise dans le prologue de l’œuvre que nous commentons. La partie principale de ce prologue a déjà été publiée dans Das Volk, c’est pourquoi nous renvoyons à elle. La thèse que ’le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de la vie sociale, politique et spirituelle en général’, que toutes les relations sociales et étatiques, tous les systèmes religieux et juridiques, toutes idées théoriques qui jaillissent dans l’histoire, peuvent seulement se comprendre quand ont été comprises les conditions matérielles de la vie de l’époque dont il s’agit et quand on a su expliquer tout cela par ces conditions matérielles ; cette thèse est une découverte qui est venue révolutionner non seulement l’Economie Politique, mais aussi toutes les sciences historiques (et toutes les sciences qui ne sont pas naturelles, sont historiques). Ce n’est pas la conscience de l’homme qui détermine son être, mais, au contraire, l’être social est celui qui détermine sa conscience...
Mais, en regardant les choses de près, nous voyons aussi, immédiatement, que cette thèse, en apparence si simple, à savoir que la conscience de l’homme dépend de son existence, et non pas le contraire, rejette déjà dans ses premières conséquences, tout idéalisme, même le plus dissimulé…
Pour cela, la nouvelle conception choqua fortement, non seulement les représentants de la bourgeoisie, mais aussi la masse des socialistes français qui prétendaient mettre le monde hors de soi avec leur formule magique de liberté, égalité, fraternité… Cependant, cette conception fondamentale inspira, unies comme un fil de perles, toutes les productions littéraires du parti… notre parti… l’emportait sur les autres avec le grand avantage d’avoir pour fondement théorique une nouvelle conception scientifique du monde… » (Marx, Contribution à la critique de l’Economie Politique). Et maintenant, est-ce que Rubel peut nous dire dans quelle partie de cette conception, ou de quelle manière, a été absorbé en elle l’anarchisme comme critique radicale du principe d’autorité que nous avons cité plus haut ?
Rubel : « Or, tout comme la critique sociale transmise par l’utopie anarchiste, la finalité commune aux doctrines radicales et révolutionnaires antérieures à Marx est devenue partie intégrante du communisme anarchiste de ce dernier. Avec Marx, l’anarchisme utopique s’enrichit d’une dimension nouvelle, celle de la compréhension dialectique du mouvement ouvrier perçu comme auto-libération éthique qui englobe toute l’humanité. » [12] Combien de falsifications peuvent être énoncées en si peu de lignes ?
En premier lieu, quelle relation peut-il y avoir entre l’utopie anarchiste et la thèse matérialiste selon laquelle la conscience de l’homme dépend de son existence matérielle, et non le contraire et qui pour cela rejette déjà dans ses premières conséquences tout idéalisme, même le plus dissimulé ? Et où a été démontré que l’utopie anarchiste s’est convertie en partie intégrante du communisme « anarchiste » de Marx ? Et quand Marx a-t-il dit que son communisme est anarchiste ? Et depuis quand le mouvement ouvrier est-il perçu par Marx comme auto-libération éthique, et non comme un mouvement de lutte de classe contre le Capital ?
Pendant que nous attendons qu’on nous démontre en quoi Marx est anarchiste, ou se déclare tel, Rubel rabâche impassible : « Marx ne cesse pas pour cela d’être le théoricien de l’anarchisme. » [13]
« La négation de l’Etat et du capitalisme par la classe sociale la plus nombreuse et misérable apparaît, chez Marx, comme un impératif éthique avant d’être démontrée dialectiquement comme une nécessité historique » [14] nous dit Rubel. Rappelons à celui-ci les paroles mêmes de Marx : « Mon premier travail, entrepris pour résoudre les doutes qui m’assaillaient, fut une révision critique de la philosophie hégélienne du droit, travail dont l’introduction vit la lumière en 1844 dans les Deutsch-Französische Jahrbücher, qui se publièrent à Paris. Mon investigation déboucha sur le résultat selon lequel, tant les relations juridiques que les formes d’Etat ne peuvent se comprendre par elles-mêmes ni par ce qui est appelé l’évolution générale de l’esprit humain, mais qu’elles se trouvent, au contraire, dans les conditions matérielles de vie dont l’ensemble résume Hegel, en suivant le précédent des anglais et des français du XVIIIe siècle sous le nom de ’société civile’, et qu’il faut chercher l’anatomie de la société civile dans l’Economie Politique…
Le résultat général auquel j’arrivai et qui une fois obtenu, servit de fil conducteur à mes études, peut se résumer ainsi : dans la production sociale de leur vie, les hommes contractent des relations déterminées nécessaires et indépendantes de leur volonté, relations de production, qui correspondent à une phase déterminée de développement de leurs forces productives matérielles. L’ensemble de ces relations de production forme la structure économique de la société, la base réelle sur laquelle se lève la superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes déterminées de conscience sociale. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de la vie sociale, politique et spirituelle en général. Ce n’est pas la conscience de l’homme qui détermine son être, mais au contraire c’est l’être social qui détermine sa conscience. »
C’est-à-dire que, déjà en 1844, dans son premier travail sur la matière, Marx découvre la conception matérialiste de l’histoire, opposée à tout idéalisme. Pour quelle raison lui faire endosser, comme le fait Rubel, l’impératif éthique comme mobile, avant que Marx démontre sa thèse matérialiste qui est justement la négation de celui-ci.
Rubel : « Là où Marx invoque la philosophie comme « tête » et arme intellectuelle de l’émancipation humaine [E.M. : nous autres avons cru jusqu’à maintenant selon les paroles de Marx que ce dont il s’agit n’est pas d’interpréter le monde, ce que fait la philosophie, mais de le transformer] de laquelle le prolétariat sera le cœur, nous préférons, nous autres, parler d’éthique… il importe de changer le monde en lui donnant un visage humain… » [15] A-t-on a si vite oublié la conception matérialiste de l’histoire qu’on la remplace par la philosophie (car c’est Rubel qui la met, et non pas Marx) et l’éthique pour donner au monde un visage humain, comme si la société n’avait pas ses propres lois de développement qui déboucheront sur le conflit entre les forces productives et les rapports de production, sur la révolution comme conséquence de ce conflit, sur la dictature du prolétariat comme conséquence de la révolution, et sur la société sans classes, ou le communisme, comme conséquence de tout ce qui précède ?
« Les prolétaires… doivent renverser l’Etat pour réaliser leur personnalité. » [16] Rubel : « Cette formule, plus proche de l’anarchisme de Bakounine que de celui de Proudhon… est la conclusion logique, en guise de postulat révolutionnaire, de tout un développement théorique tendant à démontrer la ’nécessité historique’ de la commune anarchiste. Cela équivaut à dire que l’avènement de la ’société humaine’ s’inscrit, selon la théorie marxiste, dans un large processus historique. » [17] Rubel s’obstine de façon têtue à s’approprier pour l’anarchisme la société sans Etat, sans vouloir voir que d’autres, qui n’ont rien d’anarchistes, démontrent que la société évoluera par son propre développement et ses contradictions internes jusqu’à la société sans classes et, par conséquent, sans Etat. C’est pourquoi il s’obstine à appeler anarchistes tous ceux qui plaident pour la société sans Etat, même s’ils ne sont pas anarchistes. C’est une obsession de laquelle il ne peut se dégager. Mais, de plus, il affirme que cette « société humaine » sera, selon Marx, le fruit d’un long processus historique. Mais enfin, est-ce que ce ne sont pas les anarchistes qui ne veulent pas entendre parler ni de l’Etat bourgeois actuel, ni de la dictature du prolétariat et qui veulent déjà la société sans Etat, sans attendre davantage ?
Rubel : « Marx a cherché à établir un lien de causalité entre les progrès scientifiques, - surtout celui des sciences naturelles - et les institutions politiques et juridiques, d’un côté, et le comportement des classes sociales antagoniques, de l’autre. » [18] Mettre cela sur le compte de Marx, c’est falsifier effrontément l’exposition qu’il a faite dans sa conception matérialiste de l’histoire que nous connaissons déjà : la superstructure politique et juridique est une émanation, l’expression de la base économique de la société ; et les classes sociales, qui ont des intérêts matériels opposés, luttent chacune pour leurs dits intérêts.
Immédiatement, Rubel nous lâche toute une série de falsifications impudentes : « Contrairement à Engels – nous dit Rubel – Marx ne pensait pas que la transformation révolutionnaire du futur se ferait à la manière des révolutions du passé, comme si elle fut un cataclysme naturel qui écrase les hommes, les choses et les consciences. Avec l’avènement du travailleur moderne, l’espèce humaine commençait le cycle de sa véritable histoire ; entrait dans la voie de la raison et arrivait à être capable de réaliser ses rêves et à se proportionner un destin à la mesure de ses facultés créatrices. Les conquêtes de la science et de la technologie rendent possible un tel dénouement, mais le prolétariat doit intervenir pour que la bourgeoisie et son capital ne changent pas cette évolution en marche vers l’abîme. » [19]
Premier mensonge : il n’est pas certain que Marx se distingue d’Engels quant à la nécessité de la révolution et de la violence. Ne sont-ce pas eux deux qui signent le paragraphe final du Manifeste Communiste où il est dit : « Les communistes considèrent indigne d’occulter leurs idées et leurs propositions. Ils proclament ouvertement que leurs objectifs peuvent seulement être atteints en renversant par la violence tout l’ordre social existant » ? Ne sont-ce pas eux deux qui trente et quelques années plus tard, dans la lettre circulaire à Bebel, Liebknecht, Bracke et autres, de septembre 1879, déclarent : « Quant à nous autres, tenant en compte tout notre passé, il ne nous reste plus qu’un chemin. Pendant près de quarante années, nous avons mis en valeur la lutte des classes comme force directement propulsive de l’histoire, et particulièrement la lutte des classes entre la bourgeoisie et le prolétariat comme le grand levier de la révolution sociale moderne. Ceci est la raison pour laquelle nous ne pouvons marcher avec quelques hommes qui prétendent extirper du mouvement cette lutte des classes. » Est-ce que Marx n’était pas en train de penser déjà à Rubel qui ne veut pas non plus la révolution ? Et n’est-ce pas Marx qui lui disait que la révolution est l’accoucheuse de l’histoire ?
Second mensonge : il n’est pas certain qu’avec l’avènement du travailleur moderne, l’espèce humaine commence le cycle de sa véritable histoire. Ce que Marx et Engels nous disent c’est qu’avec la société communiste, c’est-à-dire sans classes, commence la véritable histoire humaine, mais non pas sous le capitalisme qui est disposé à commettre, et commet, les plus grandes barbaries.
Troisième mensonge : l’humanité n’entre pas, de la main du travailleur moderne, dans la voie de la raison pour réaliser ses rêves. Ce que fera le travailleur moderne, c’est-à-dire le prolétariat révolutionnaire, c’est de renverser par la violence l’ordre capitaliste, non pour réaliser ses rêves, mais pour libérer les forces productives de la camisole de force des rapports capitalistes de production et mettre toutes les ressources à disposition non pas d’une classe, mais de toute l’humanité sans classes.
Quatrième mensonge : les conquêtes de la science et de la technologie n’ouvrent pas la possibilité d’une voie sans révolution, ce que Rubel veut nous dire, mais elles constituent la base matérielle qui entrera en conflit avec les rapports de production capitaliste, et par là même, provoqueront la révolution.
Mais ce n’est pas pour cela que Rubel se fatigue de falsifier, et il nous dit : « La révolution prolétarienne n’aura rien d’une aventure politique ; elle sera une entreprise universelle réalisée de concert par l’immense majorité des membres de la société, qui ont pris conscience de la nécessité et de la possibilité d’une régénération totale de l’humanité. » [20] Enfin, Rubel jette le masque en nous disant que la révolution prolétarienne ne sera pas une aventure politique, ou une révolution, mais qu’elle sera une procession pacifique où l’on chantera les louanges de la science, de la technique, de la raison et des rêves éternels que les hommes ont toujours eu dans la tête et souhaité avec ferveur dans leur cœur et, naturellement, cette procession pacifique sera dirigée par ceux qui ont le plus de tout ce qui a été mentionné, c’est-à-dire, les hommes de science, les techniciens, les philanthropes avec leurs rêves…
Maintenant, il résulte que la lutte de classes n’est pas celle qui propulse l’histoire, comme nous l’ont dit plus haut Marx et Engels, mais à sa place on met la collaboration de classes. Marx et Engels nous disent, dans la même circulaire mentionnée auparavant, que : « Nous ne pouvons, par conséquent, marcher avec des hommes qui déclarent ouvertement que les ouvriers sont trop incultes pour s’émanciper eux-mêmes, et par là qu’ils ne peuvent être libérés que d’en haut, par les philanthropes de la grande bourgeoisie et de la petite bourgeoisie. »
Maintenant, nous pouvons voir clairement la volonté de Rubel de séparer Marx d’Engels, laissant à ce dernier le rôle du mauvais et convertissant Marx, d’un communiste qui en appelle à la violence révolutionnaire, en un anarchiste pacifique chargé de rêves philanthropiques. Il est clair que, même parmi les anarchistes, il n’en manquerait pas qui seraient disposés à traiter Rubel avec la pointe du pied, car parmi les anarchistes il y a aussi des révolutionnaires.
La capacité de falsification de Rubel continue à jaillir comme une fontaine inépuisable : « Depuis le moment que le danger d’une barbarie de dimensions planétaires menace la survivance des hommes, les rêves et les utopies communistes et anarchistes représentent la source spirituelle des projets rationnels et des réformes pratiques susceptibles de redonner à l’espèce humaine le goût pour la vie selon les normes d’une raison et d’une imagination elles-mêmes tournées vers une rénovation du destin humain. » [21] Pour la énième fois, Rubel met les rêves et les utopies comme fondement de l’action humaine et il l’appelle communiste. Combien de fois il faudra lui rappeler que le communiste Marx affirme sans ambages que la vie matérielle de la société est la base et que la superstructure politique, spirituelle, etc., est seulement son reflet dans la tête des hommes ? Et que tout le contenu de la théorie du parti prolétarien émane de l’étude de l’Economie Politique, et que celle-ci se fonde substantiellement sur la conception matérialiste de l’histoire ?
Rubel : « On ne saute pas du règne de la nécessité au règne de la liberté, comme le pensait Engels, et on ne peut pas avoir de transition directe du capitalisme à l’anarchisme. » En premier lieu, nous avons ici une nouvelle tentative, perverse, de confronter Marx et Engels. Le passage du règne de la nécessité à celui de la liberté qui se produit quand la société n’est déjà plus divisée en classes et, par conséquent, qu’il n’y a plus d’État, et quand, en outre, les forces productives ont atteint un degré de développement qui libère l’homme de la nécessité de l’esclavage du travail parce que le développement atteint par la société et les individus convertit n’importe quelle activité utile en quelque chose d’agréable et fait partie du libre et progressif développement de l’individu, tout cela, que ce soit écrit dans l’Anti-Dühring ou dans L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat de Engels, ou que ce soit expliqué dans quelque autre écrit de Marx ou d’Engels, c’est quelque chose de parfaitement partagé entre eux et ce n’est pas plus que le corollaire du développement fondamental de la conception matérialiste de l’histoire, que les deux se partagèrent de façon égale. Mais, de plus, il s’avère maintenant qu’un anarchiste comme Rubel voit la nécessité d’une dictature du prolétariat qui n’est autre que la période de transition du capitalisme au communisme.
Extraordinaire ! Un anarchiste partisan de la dictature révolutionnaire du prolétariat. À propos, Rubel s’arroge le droit d’appeler anarchisme le communisme qui succède à cette dictature révolutionnaire, mais sans donner plus d’explications.
Le mot « marxisme » est employé par Rubel à sa convenance. Ainsi, il désigne par ce terme les falsifications faites à l’œuvre de Marx – qui est, disons-le une fois de plus, aussi celle de Engels, car les deux collaborèrent toujours étroitement en tout et partagèrent les mêmes points de vue – alors que ce terme désigne seulement l’ensemble des théories et enseignements qu’ils nous ont légués, et cela n’a rien de pervers, car si l’ensemble des enseignements d’une religion s’appelle, par exemple, catholicisme, ou le legs que nous a laissé Darwin se nomme darwinisme, ou l’ensemble des supporters d’une équipe de football se désigne comme sévillisme (ceux du club de Séville), pour prendre un autre exemple, pourquoi l’ensemble de l’œuvre laissé par Marx au mouvement révolutionnaire qu’elle inspire ne peut pas s’appeler marxisme ? Que faisons-nous avec les mots journalisme, ou hispanisme, ou alpinisme, etc. est-ce que Rubel nous interdit de les employer ? Si ce que prétend Rubel est de critiquer ceux qu’il considère comme ayant déformé ou trahi les théories de Marx, qu’il les appelle par leur nom : révisionnistes, léninistes, ou tant d’autres, mais qu’il ne leur colle pas le mot « marxiste » pour après critiquer le marxisme, c’est-à-dire l’œuvre de Marx. À propos, s’il critique les falsificateurs de Marx, qu’il n’oublie pas de se mettre lui-même en bonne place.
Rubel prétend que Marx et Engels ne s’entendirent pas non plus vis-à-vis de ce qui concernait l’action de classe et de parti, mais, comme d’habitude, nous attendons qu’il le démontre.
Mais il nous offre une perle cultivée par son intelligence inégalable : « En s’unissant à l’A.I.T, Marx n’avait pas abandonné la position prise contre Proudhon en 1847, quand il s’agissait de définir un anarchisme antipolitique réalisable par un mouvement politique. » [22] D’un côté, il qualifie d’anarchisme antipolitique le texte de Marx Misère de la philosophie, et d’un autre, il veut nous faire croire qu’un mouvement politique ne peut nous mener qu’à la pratique d’un anarchisme antipolitique. Est-on sûr que quand il écrivit cela, il n’était pas sous les effets d’un quelconque hallucinogène ?
Rubel : « De ces ébauches, il résulte que la théorie sociale de Marx se présente expressément comme une tentative d’analyse objective d’un mouvement historique et non pas comme un code moral ou politique d’une praxis révolutionnaire tendant à réaliser un idéal de vie sociale. » [23] Si c’est cela que Marx a précisément essayé de mettre en œuvre durant toute sa vie, pourquoi ensuite Rubel nous dit que « ce n’est là que l’aspect extérieur et avoué de cette théorie qui suit une double trajectoire conceptuelle, dont l’une possède une orientation rigoureusement déterministe et l’autre se dirige librement vers l’objectif imaginaire d’une société anarchiste » [24] ? Maintenant, nous nous trouvons avec Marx qui, d’un côté, a une théorie déterministe, fondée sur la science, et, d’un autre côté, a aussi une théorie basée sur un objectif imaginaire. Et Rubel, espère-t-il que nous avalions une absurdité aussi colossale ? De nouveau, nous avons le droit de nous demander si, quand il écrivait cela, il n’était pas sous les effets d’un hallucinogène.
Et pour terminer, comme celui qui se garde un as dans la manche pour la fin, il nous lance au visage : « Tel est, rapidement esquissé, le lien entre la théorie et l’utopie dans l’enseignement de Marx, qui se proclama formellement ’anarchiste’ quand il écrivit : « Tous les socialistes comprennent par anarchie cela : une fois atteint la fin du mouvement prolétarien, l’abolition des classes, le pouvoir de l’Etat… disparaît et les fonctions gouvernementales se transforment en simples fonctions administratives [Les prétendues scissions dans l’Internationale]. » [25]
En premier lieu, ni Rubel, ni personne, n’a pu ni ne peut démontrer ce que ne fit jamais Marx : marier sa théorie scientifique, la conception matérialiste de l’histoire, avec l’utopie, fruit de l’imagination. Mais le comble est quand Rubel affirme catégoriquement que Marx se proclame anarchiste quand il est justement en train de faire le contraire : « Tous les socialistes [entre lesquels il s’inclut lui-même, comme on peut le voir par le contexte du paragraphe] comprennent par anarchie... »
Mais Rubel a oublié de dire que dans le même paragraphe, immédiatement avant, Marx (et Engels, même si cela ne plaît pas à Rubel qui l’exclut pour ne pas avoir à l’inclure entre ses « anarchistes » étant donné que tous les deux signent le document), déclare : « L’anarchie : il s’agit ici du grand cheval de bataille de son maître Bakounine qui, des systèmes socialistes, n’a pas pris que les étiquettes. Tous les socialistes… [et il continue]. L’Alliance comprend tout de travers. Elle proclame que l’anarchie dans les rangs prolétariens est le moyen le plus infaillible pour rompre la puissante concentration des forces sociales et politiques que les exploiteurs ont dans leurs mains. Sous ce prétexte, elle demande à l’Internationale, au moment où le vieux monde tente de l’écraser, que son organisation soit remplacée par l’anarchie. » C’est-à-dire que ce que Rubel veut nous présenter comme anarchie, Marx nous le montre comme systèmes socialistes, et de ceux-ci, la seule chose que sait faire Bakounine (et Rubel) est de prendre l’étiquette anarchiste pour l’appliquer indûment à un autre contenu. Bakounine prétend l’appliquer à l’Internationale pour la désorganiser davantage quand ses ennemis l’ont attaquée plus furieusement. Et Rubel prétend l’appliquer à l’œuvre de Marx pour le transformer en un « théoricien de l’anarchisme », quand l’essence de l’œuvre de Marx est précisément la conception matérialiste de l’histoire, réfutation exacte, entre autres choses, de l’anarchisme et de toute utopie. En un mot, Rubel cite un paragraphe de Marx pour démontrer que celui-ci est anarchiste, et c’est précisément dans ce paragraphe que Marx dit à Bakounine, à ses disciples et à Rubel que les anarchistes ne confondent pas les vessies avec des lanternes et qu’ils n’accolent pas le terme socialiste à ce qui ne l’est pas.. On peut supposer qu’après avoir accouché d’un « Marx anarchiste », Rubel restera fatigué, car l’effort pour l’obtenir a dû être digne d’un titan.
En résumé, Rubel n’aime pas un Marx théoricien du marxisme bien que celui-ci déclare que tout le contenu de la théorie du parti prolétarien émane de l’étude de l’Economie Politique, et que cette Economie Politique allemande se fonde substantiellement sur la conception matérialiste de l’histoire découverte par lui depuis son premier travail. En échange, Rubel veut un Marx théoricien de l’anarchisme bien que, à travers les combats contre Proudhon et Bakounine, Marx déclare aux anarchistes qu’ils ne confondent pas les vessies avec des lanternes et qu’ils n’accolent pas le terme « socialiste » à ce qui ne l’est pas. Marx, théoricien de l’anarchisme ? Quel délire !
Ceci résume tout le fatras que Rubel veut nous refiler dans sa buvette pour désorientés qui a été construite au croisement des rues appelées Contre-révolution et Mensonge et dans lesquelles nous nous voyons obligés de passer tous les jours. Cette buvette peut seulement tenir tant que ne souffle pas le plus petit vent révolutionnaire car, quand il se lèvera, il en finira avec tout l’ordre social existant.
A Rubel, nous pouvons seulement lui dire : à jamais, monsieur le falsificateur !
E.M.
Traduction (Guy), revue et corrigée par Emilio.
Publié dans Controverses n°4, Novembre 2010.
[1] Éditions du progrès, tome III, p. 510, Œuvres choisies de Marx-Engels.
[2] Marx, critique du marxisme, Payot et Rivages, 2000, p. 82. Toutes les citations que nous ferons de ce livre appartiennent au chapitre Marx, théoricien de l’anarchisme, entre les pages 81 et 103.
[3] Ib., p. 82
[4] Ib., p. 83
[5] Ib., p.p. 83-84
[6] Ib., p. 84
[7] Ib., p. 84
[8] Ib., p.87
[9] Ib., p.87
[10] Ib., p. 87
[11] Ib., p.90
[12] Ib., p.p. 90-91
[13] Ib., p. 91
[14] Ib., p. 91
[15] Ib., p. 93
[16] L’idéologie allemande, 1846, Marx-Engels.
[17] Ib., p. 97
[18] Ib., p. 98
[19] Ib., p. 98
[20] Ib., p. 98
[21] Ib., p. 98
[22] Ib., p.p. 100-101
[23] Ib., p. 102
[24] Ib., p. 102
[25] Ib., p. 103