Forum pour la Gauche Communiste Internationaliste
« Marx travaillait toujours avec une conscience extrême. …il allait toujours à la source, quelque effort que cela pût lui coûter. […] Jamais ses critiques n’ont pu trouver chez lui la moindre inexactitude ou lui prouver que sa démonstration s’appuyait sur des faits ne résistant pas à un examen sérieux. Cette habitude de remonter aux sources le conduisait à lire les auteurs les moins connus et qu’il est seul à citer. A voir la quantité de ces citations dans Le Capital, on serait tenté de croire que l’auteur à pris plaisir à étaler son savoir. Mais il n’en n’est rien : « J’exerce la justice historique, disait Marx, j’accorde à chacun ce qui lui revient. » Il croyait en effet devoir nommer l’écrivain qui avait été le premier à exprimer une idée, ou qui en avait trouvé l’expression la plus exacte… Sa conscience littéraire était aussi sévère que sa conscience scientifique. Jamais il ne se serait appuyé sur un fait dont il n’était pas tout à fait sûr ; jamais non plus il ne se serait permis de traiter un sujet sans l’avoir étudié à fond. » P. Lafargue, Souvenirs sur Marx, Éditions Sociales, p.82.
Travailler avec une conscience extrême, ne souffrir d’aucune inexactitude, vérifier chacun des faits cités en appui de sa démonstration, aller à la source, accorder à chacun ce qui lui revient, bref, avoir une conscience littéraire aussi sévère que scientifique, telle est l’éthique à laquelle Marx s’est astreint. Elle participe de la force de ses analyses et permet un débat d’idées en toute clarté. C’est cette attitude dans la discussion que nous entendons défendre dans les controverses existantes au sein de la Gauche Communiste sur la théorie des crises. Elle nous permettra d’approfondir quelques questions théoriques en discussion et de relever plusieurs problèmes éthiques posés par ce débat.
Pour Rosa Luxemburg, la dynamique de l’accumulation dépend de l’importance de la demande émanant des marchés extra-capitalistes et l’épuisement de celle-ci annonce la mort du capitalisme [1]. Marx soutient une compréhension totalement opposée : « Tant que le capital est faible, il cherche à s’appuyer sur les béquilles d’un mode de production disparu ou en voie de disparition ; sitôt qu’il se sent fort, il se débarrasse de ses béquilles et se meut conformément à ses propres lois. » [2] La sphère précapitaliste ne constitue donc pas un milieu dont le capitalisme devrait se nourrir pour pouvoir s’élargir, mais une béquille dont il doit se débarrasser pour se mouvoir sur ses propres bases.
Appréhender la place que Marx attribue aux marchés extra-capitalistes dans le développement du capitalisme permet de comprendre pourquoi il les élimine de son analyse dans Le Capital : non pas seulement par hypothèse méthodologique comme le pense Luxemburg, mais surtout parce qu’ils représentent une béquille dont le capitalisme a dû se débarrasser. Ignorant cette analyse, Luxemburg n’a pas compris les raisons profondes pour lesquelles ces marchés ont été écartés par Marx de l’étude du capitalisme moderne dont il situe le commencement en 1825 : « ...ce n’est qu’avec la crise de 1825 que s’ouvre le cycle périodique de sa vie moderne » [3].
Néanmoins, elle a l’honnêteté de souligner deux caractéristiques essentielles concernant la place occupée par la sphère précapitaliste dans l’œuvre de Marx. En premier lieu, elle reconnaît que ce dernier a totalement exclu cette sphère de son analyse [4] et qu’il se tient à cette idée « avec conséquence tout au long des trois livres du Capital » [5], à tel point que ce sera l’un des reproches essentiels qu’elle lui adressera [6] : si elle estime que cette exclusion est pertinente pour exposer le contenu du volume I du Capital, le fait de maintenir à l’écart les marchés extra-capitalistes dans son analyse du processus de circulation (volume II) et de l’ensemble du capital (volume III) lui apparaît comme une grave erreur [7]. En second lieu, elle souligne très justement que Marx n’attribue de rôle significatif à ces marchés que dans le cadre de l’accumulation primitive et qu’il les évacue ensuite totalement pour expliquer l’accumulation élargie [8].
Si Marx considère les échanges avec le milieu précapitaliste comme des béquilles caractérisant un capitalisme faible et dont ce dernier doit se débarrasser, s’il ne confère de rôle aux marchés extra-capitalistes que dans le cadre de l’accumulation primitive, s’il écarte explicitement ceux-ci pour analyser l’accumulation élargie, s’il se tient fermement à ces trois règles tout au long du Capital et que même Rosa Luxemburg en convient au point de le lui reprocher, il serait absurde de vouloir rechercher leur présence dans les écrits de Marx et encore plus absurde de prétendre que les marchés extra-capitalistes seraient au cœur de son explication des crises de surproduction. Et bien non ! Pour certains défenseurs actuels des thèses luxemburgistes sur l’accumulation, comme le Courant Communiste International (CCI), l’analyse de Rosa Luxemburg serait en pleine conformité avec celle de Marx [9] et ce dernier aurait mis l’insuffisance des marchés extra-capitalistes au cœur de sa compréhension des crises de surproduction [10] !
Dès lors, comment faire apparaître dans Le Capital ce qui ne s’y trouve pas ? Comment suggérer auprès du lecteur l’existence de ce que Marx a lui-même écarté ? Comment faire croire que les marchés extra-capitalistes seraient au cœur de son analyse ? Autrement dit, comment placer l’analyse économique de Rosa Luxemburg sous l’autorité de celle de Marx ? Tel est l’enjeu pour ces épigones. Ce sont quelques uns des procédés utilisés pour induire de telles idées que nous aurons l’occasion de relever au travers de questions théoriques posées dans ce débat.
Le principal moyen mobilisé pour faire croire que les marchés extra-capitalistes seraient au cœur de l’explication des crises de surproduction chez Marx consiste à brandir l’un ou l’autre extrait des écrits de ce dernier pour tenter de le suggérer : « ..."la demande émanant du travailleur productif lui-même ne peut jamais suffire à toute la demande, parce qu’elle ne recouvre pas entièrement le champ de ce qu’il produit. Si c’était le cas, il n’y aurait plus aucun bénéfice ni, donc, de raison pour le faire travailler. L’existence même d’un profit réalisé sur une marchandise quelconque implique une demande autre que celle émanant du travailleur qui l’a produite"... » [11]. Bien évidemment, c’est le petit bout de phrase semblant correspondre à l’analyse de Luxemburg qui est souligné : « une demande autre que celle émanant du travailleur qui l’a produite ». Dès lors, est-on ici en présence de la preuve que le fond de l’analyse de Marx serait analogue à la logique luxemburgiste ? Peut-on raisonnablement souscrire à une telle interprétation ?
Celui qui se soucie d’appliquer l’éthique de Marx (« ‘J’exerce la justice historique, j’accorde à chacun ce qui lui revient’ ») constatera immédiatement qu’il n’en n’est rien. Pourquoi ? Parce que les chauds partisans de cet extrait se gardent souvent d’indiquer que Marx recopie Malthus à cet endroit [12] et, plus grave, omettent systématiquement d’informer le lecteur que cette « demande autre » fait référence aux couches sociales dont le pouvoir d’achat est dérivé de la plus-value et non pas à la sphère extra-capitaliste. Rosa Luxemburg l’explique d’ailleurs très bien lorsqu’elle souligne que cette demande provient des « rentiers et des prébendiers de l’État, qui eux-mêmes tiennent leur pouvoir d’achat de la main des capitalistes » [13].
En effet, comme de nombreux économistes de son temps, Malthus sait pertinemment bien que le profit découle de la différence entre le salaire payé à l’ouvrier et la valeur qu’il crée par son travail. Dès lors, il est forcément impossible que la consommation des salariés puisse être à la hauteur de ce qu’ils produisent, sinon il n’y aurait plus de profit. Malthus conclut alors à la nécessité d’une couche de consommateurs qui ne soient pas engagés dans la production mais dont la consommation peut venir soutenir la réalisation du produit total.
Si Marx acquiesce à ce raisonnement fondant la nécessité d’une tierce demande autre que celle provenant des capitalistes et des ouvriers, c’est parce qu’il a explicitement conçu une telle fonctionnalité économique [14]. Cependant, l’appui à cette idée d’une tierce demande n’a rien à voir avec celle envisagée par Luxemburg puisque la première est interne au capitalisme pur (chez Malthus et Marx) alors que la seconde est externe (chez Luxemburg).
Ainsi, en accordant « à chacun ce qui lui revient », il est aisé de rétablir « la justice historique » mise à mal par ceux qui travestissent la pensée d’un auteur (Marx) pour l’utiliser comme argument d’autorité afin de justifier une thèse (luxemburgiste) qui n’a rien à voir avec ladite pensée ! Un tel subterfuge est profondément contraire à l’éthique de Marx.
Enfin, signalons que parmi les milliers de pages des écrits économiques de ce dernier, l’on ne trouve cet extrait de Malthus que dans les Grundrisse et les Théories sur la plus-value. Dès lors, s’il correspondait vraiment à la conception que certains veulent y voir (que les crises de surproduction, chez Marx, découleraient de l’insuffisance d’une demande extra-capitaliste), alors :
– Pourquoi ne trouve-t-on pas cette conception et cette citation de Malthus au cœur du Capital ? Marx était-il aussi peu rigoureux au point de ne pas reprendre et exposer ce qui constituerait le cœur de sa théorie des crises ?
– Pourquoi Marx a-t-il explicitement écarté la sphère précapitaliste de son analyse des crises alors que celle-ci en constituerait le fondement ?
– Si le manque de marchés extra-capitalistes constituait réellement le soubassement des crises de surproduction chez Marx, pourquoi n’a-t-il pas réintroduit ce ’facteur clé’ dans ses livres II et III ?
– Encore plus incompréhensible : comment peut-on raisonnablement s’expliquer que Marx confine explicitement le rôle des marchés extra-capitalistes à la seule période de l’accumulation primitive alors qu’ils sont censés être au cœur de son analyse des crises de surproduction du capitalisme moderne ?
Prétendre que les marchés extra-capitalistes seraient au cœur de la théorie des crises chez Marx ravale purement et simplement celui-ci au rang de premier potache venu puisqu’il aurait tout bonnement oublié de parler et d’expliquer ce qui constituerait l’essence même de la contradiction mortelle du capitalisme ! Tel est ‘l’approfondissement théorique’ que nous donnent à ‘penser’ certains épigones de Luxemburg ! Ils l’accompagnent de quelques ‘arguments’ qu’il nous faut maintenant considérer d’un peu plus près.
Dans son livre II, Marx a élaboré des schémas exprimant les conditions d’équilibre requises pour la bonne marche de la reproduction élargie du capital. Il précise néanmoins explicitement qu’elles sont purement « fortuites » car le fonctionnement normal du capitalisme est traversé de lois contradictoires qui engendrent régulièrement des crises de surproduction : « Il s’ensuit certaines conditions particulières pour l’échange normal dans ce mode de production et, partant, pour le cours normal de la reproduction, que ce soit à l’échelle simple ou élargie. Elles se convertissent en autant de conditions d’un développement anormal, en possibilités de crise, puisque l’équilibre – étant donnée la forme naturelle de cette production – est lui-même fortuit » [15]. Telle est sa conception de la dynamique et des crises du capitalisme : les équilibres nécessaires (restitués par les schémas de reproduction) pour assurer l’accumulation élargie au sein du capitalisme pur sont « fortuits » car régulièrement perturbés par les lois contradictoires du développement capitalistes.
Si les conditions d’équilibre de la reproduction élargie sont purement « fortuits » pour Marx, il est alors totalement déraisonnable de prétendre que ses schémas de reproduction exprimeraient une « identité immanente entre la production de la plus-value et sa réalisation » et qu’il n’y aurait « pas de limites à l’accumulation du capital » comme le soutient Luxemburg [16]. Celle-ci qualifie même les raisonnements de Marx de « manège de foire » et fait de lui un précurseur du Tougan-Baranovisme : « nous nous mouvons dans un cercle, comme dans la théorie de Tougan-Baranowsky » [17].
Comme souvent, les critiques excessives révèlent surtout les incompréhensions de celui qui les énonce plutôt que leur pertinence. Ainsi, une bonne lecture du livre II aurait permis à Luxemburg de comprendre sa méprise. Il n’y a pas plus de Tougan-Baranovisme chez Marx que de contradictions entre les livres II et III du Capital [18]. Ce sont pourtant de telles idées sur les schémas de Marx qui sont colportées de façon lancinante [19].
La critique maintes fois énoncée envers Luxemburg est pourtant très claire : elle pense à tort que les schémas de reproduction du livre II du Capital supposent une « identité immanente entre la production de la plus-value et sa réalisation » et qu’il n’y aurait « pas de limites à l’accumulation du capital » alors que Marx prend soin de rejeter explicitement une telle interprétation en disant que cette identité est purement « fortuite », « anormale » et qu’elle « se convertit... en possibilités de crises ». Malgré cela, certains répètent constamment que Marx et presque tous les critiques de Luxemburg jusqu’à nos jours défendraient l’idée d’un capitalisme sans problème de réalisation [20] !
Mais toutes ces soi-disant erreurs attribuées à Marx n’expriment pas que des incompréhensions ou de la malveillance dans le débat, elles impliquent aussi des conséquences « incroyablement déraisonnables », comme le dit Lénine, car :
– A l’opposé de toute son œuvre et du combat de sa vie, comment peut-on raisonnablement penser que Marx aurait développé l’idée d’un capitalisme éternel au seuil de sa mort ? Marx se serait-il tiré une balle dans le pied avant de mourir ?
– Sachant qu’il a rédigé le livre II après le livre III, peut-on aussi raisonnablement penser qu’à la toute fin de sa vie il aurait écrit un volume qui soit en contradiction flagrante avec celui qu’il avait déjà rédigé et qui suit dans l’ordre de lecture ?
– A supposer l’interprétation de Luxemburg correcte, Marx aurait-il alors joué un dernier tour pendable, mais en direction de ses partisans cette fois, en rédigeant un volume II qui développerait l’idée d’un capitalisme éternel et en offrant ainsi un formidable marchepied à l’aile réformiste de son parti et au futur Tugan-Baranovisme ?
– Enfin, comment peut-on raisonnablement penser que Marx aurait à ce point oublié et même écarté de son analyse ce qui constituerait le nœud de sa conception des crises de surproduction ? Impensable !
Au vu de toutes ces incohérences, l’on comprend mieux la réaction de Lénine à la lecture de l’Accumulation du capital de Rosa : « Je viens de lire le nouveau livre de Rosa. Elle déraisonne d’une manière incroyable et se détourne de Marx » [21].
Rosa Luxemburg explique très honnêtement dans son Avant-propos que c’est sa propre lecture du Capital qui ne lui a pas permis de comprendre, ni le « problème de la production capitaliste dans ses rapports concrets », ni celui « de ses limites objectives historiques » et que ce sont là les raisons pour lesquelles elle a rédigé ses deux tomes sur l’accumulation [22].
Il est donc vain de soutenir que les marchés extra-capitalistes seraient au cœur de l’analyse des crises de surproduction chez Marx puisque Luxemburg écrit justement son ouvrage pour combler ce qu’elle pense être une lacune chez ce dernier. Dit autrement, pourquoi Luxemburg aurait eu besoin d’écrire son livre s’il lui avait suffit d’aligner quelques citations de Marx ?
Luxemburg a l’immense avantage sur ses épigones actuels d’être honnête dans sa démarche, d’avoir le courage d’assumer ses désaccords avec l’auteur du Capital, de parler d’erreurs et de contradictions chez Marx et d’essayer de les corriger. Elle ne s’est pas contentée d’aligner des citations de ce dernier pour faire croire à l’identité de conception et surtout pas en se rabaissant avec des procédés dont nous avons vu la haute teneur éthique.
Paradoxalement, en soutenant que les marchés extra-capitalistes seraient au cœur de la compréhension des crises chez Marx, les épigones de Luxemburg la desservent en sapant toutes les raisons qui sont à la base de la rédaction de son ouvrage. A les suivre, Luxemburg a très mal lu le Capital car il lui aurait suffit d’aligner « bien d’autres écrits de Marx qui pourraient être cités pour défendre l’importance centrale du problème qu’elle souleva » et l’affaire aurait été entendue ! [23]
Si Marx conçoit l’accumulation élargie comme réalisable au sein du capitalisme pur, contrairement à Luxemburg, ceci n’implique aucunement que la grandeur du marché s’ajuste automatiquement à la production car, dit-il, les lois contradictoires qui animent le capitalisme pur et les conditions d’équilibre nécessaires à l’accumulation élargie « …se convertissent en autant de conditions d’un développement anormal, en possibilités de crise, puisque l’équilibre – étant donnée la forme naturelle de cette production – est lui-même fortuit » [24]. Ce sont ces lois contradictoires et ces déséquilibres qui engendrent les crises cycliques de surproduction qu’il étudie avec soin dans son ouvrage majeur et dont une bonne trentaine sont empiriquement attestées tout au long des deux siècles de vie du capitalisme moderne (1825-2011).
Pour Marx, la dynamique propre de l’accumulation élargie du capital génère la demande sociale qui est à la base du développement de son propre marché, mais les lois contradictoires qui animent le système engendrent périodiquement un déficit de demande finale par rapport à ce qui est produit. L’insuffisance de marchés solvables chez Marx est donc ponctuelle et non pas permanente, ce qui est permanent et structurel chez lui ce sont les mécanismes qui engendrent périodiquement une insuffisance de marchés par rapport à la production. C’est la raison pour laquelle il avait déjà explicitement récusé la notion de crise permanente si chère à Rosa Luxemburg et ses épigones : « Des crises permanentes cela n’existe pas » [25].
Contrairement à Luxemburg, Marx n’a jamais conçu de surproduction permanente au sein du capitalisme pur. Pour lui, une crise n’advient qu’à intervalles ponctuels et découle des lois contradictoires du capitalisme. Jamais il n’a développé les quatre idées suivantes qui sont au fondement de la conception luxemburgiste de l’accumulation :
– Le capitalisme pur ne serait capable que de reproduction simple car il ne contiendrait pas la demande requise pour assurer sa reproduction élargie.
– De ce fait, le capitalisme pur est en surproduction permanente et ne doit sa capacité à l’écouler et à s’élargir que s’il existe une demande en provenance de marchés extra-capitalistes.
– Les crises de surproduction du capitalisme global seraient la résultante de saturations ponctuelles des marchés extra-capitalistes.
– La fin du capitalisme résulterait de l’épuisement de ces derniers.
Pas une seule ligne dans les milliers de pages des écrits de Marx ne peut venir attester l’un ou l’autre de ces quatre fondements de la vision luxemburgiste de l’accumulation.
C’est cette analyse de Marx qui a été exposée dans un article paru en français sur le site Web du CCI du temps où l’auteur de la présente contribution militait encore au sein de cette organisation : « Par sa dynamique intrinsèque d’élargissement, le capitalisme génère en permanence la demande sociale qui est à la base du développement de son propre marché. Cependant, Marx nous a aussi montré que ses contradictions internes restreignent périodiquement ce même marché (la demande finale) par rapport à la production : « Alors que les forces productives s’accroissent en progression géométrique, l’extension des marchés se poursuit tout au plus en progression arithmétique » [26]. Telle est la base matérielle et récurrente de cette trentaine de cycles et de crises de surproduction dont il nous faut maintenant examiner la genèse » [27]. De même, nous insistions à plusieurs reprises sur le fait que les deux contradictions principales du capitalisme que sont « la baisse du taux de profit » et « les rapports antagoniques de distribution » « engendrent périodiquement une demande finale qui n’est pas à la hauteur de la production » [28].
Autrement dit, nous mettions en évidence cette double proposition qui parcourt tous les écrits économiques de Marx : à la fois que le capitalisme génère la demande sociale qui est à la base de son propre élargissement ET que cette demande est néanmoins inéluctablement restreinte à intervalles réguliers suite aux lois contradictoires qui animent son fonctionnement. Or, voici comment cette position de Marx que nous exposions a été tronquée et présentée par le CCI :
Ainsi, pour cette thèse : « Le capitalisme génère en permanence la demande sociale qui est à la base du développement de son propre marché » alors que, pour le CCI, « contrairement à ce que prétendent les adorateurs du capital, la production capitaliste ne crée pas automatiquement et à volonté les marchés nécessaires à sa croissance » (Plateforme du CCI) [29].
En amputant notre première phrase, en omettant la suite ainsi que d’autres passages explicites, le CCI inverse le sens de la position de Marx que nous exposions et qui apparaît alors aux yeux des lecteurs comme identique à celle de J.B. Say ! En effet, ce n’est évidemment pas parce que Marx met clairement en évidence que le capitalisme génère la demande nécessaire à son propre élargissement qu’il défend l’idée d’une création « automatiquement et à volonté les marchés nécessaires à sa croissance » ! Et pour cause, toute son œuvre consiste à dévoiler les lois contradictoires du capitalisme qui engendrent des crises périodiques de surproduction.
En réalité, le CCI n’a jamais compris ce double fondement de l’analyse de Marx que sont le puissant moteur endogène à son accumulation élargie (sa capacité à étendre ses marchés par lui-même) ET les limites internes de cet élargissement à intervalles périodiques car, pour Luxemburg et le CCI :
– il n’existe pas de moteur endogène au capitalisme pur (ce dernier n’étant capable que de reproduction simple) ;
– ce moteur permettant l’élargissement de l’accumulation est externe (il réside dans la demande émanant de la sphère précapitaliste) ;
– les limites du capitalisme le sont également (l’épuisement des marchés extra-capitalistes).
Dès lors, le CCI résume systématiquement le dilemme ainsi : soit vous adhérez à la vision luxemburgiste et cela vous absout d’être un « adorateur du capital » qui pense que « la production capitaliste crée automatiquement et à volonté les marchés nécessaires à sa croissance », soit vous adhérez à cette double proposition de Marx selon laquelle le capitalisme crée sa propre demande, mais insuffisamment à certains moments, et vous êtes alors ravalé au rang d’un J.B. Say ! Si l’analyse de Marx ou toute autre analyse des crises de surproduction que celle énoncée par Luxemburg est systématiquement rangée parmi les conceptions des « adorateurs du capital » croyant à la permanence des marchés, c’est le débat lui même qui est nié. Tel est bien l’enjeu et le sens des méthodes utilisés par le CCI : elles constituent l’un des obstacles majeurs à toute clarification et débat honnête [30].
Tout le monde sait que la saison d’été et le réchauffement climatique aboutissent à une conséquence identique : une hausse de la température atmosphérique. Si ces deux phénomènes peuvent se conjuguer, ils possèdent néanmoins deux causes totalement indépendantes : le réchauffement climatique s’explique par l’activité humaine et les saisons par la rotation de la terre autour du soleil. C’est cette indépendance qui permet également leurs actions séparées et même leurs oppositions (comme en hiver). Dès lors, des phénomènes qui se conjuguent, s’engendrent, s’opposent et/ou aboutissent à un résultat identique ne doivent pas nécessairement avoir une cause commune ou dépendre l’un de l’autre.
Il en va de même pour les deux contradictions majeures du capitalisme que sont « la baisse du taux de profit » et « les rapports antagoniques de distribution ». Toutes deux sont à l’origine de crises de surproduction et peuvent se conjuguer, pour autant, leurs causes diffèrent de nature car la première plonge ses racines dans la nécessité d’accroître le capital constant au détriment du capital variable, alors que la seconde découle surtout des enjeux de classes autour de la répartition du produit social (la lutte de classe déterminant le partage entre les salaires et les profits [31]). Dans les deux cas, les profits et les marchés se restreignent, mais l’un fait suite à une augmentation de la composition organique du capital alors que l’autre découle d’une hausse du taux de plus-value [32]. Si ces deux contradictions s’influencent mutuellement, Marx va néanmoins employer des mots très forts pour souligner que leurs racines sont « indépendantes », qu’« elles diffèrent … même de nature », qu’elles « ne sont pas les mêmes » [33].
C’est cette indépendance de nature entre les deux principales contradictions du capitalisme qui permet de comprendre pourquoi elles se manifestent tantôt de façon séparée, tantôt de façon conjuguée et tantôt s’engendrent mutuellement. Ceci est bien documenté dans la littérature et empiriquement vérifié tout au long de l’histoire du capitalisme, notamment durant ce dernier demi siècle puisque le taux de profit a chuté de moitié du milieu des années 1960 à 1982 alors que les marchés étaient toujours soutenus par l’indexation globale des salaires sur la productivité et les politiques keynésiennes et que ce même taux de profit n’a fait que croître ensuite alors que les marchés se sont drastiquement restreints suite à la compression de la part salariale !
C’est cette analyse de Marx que nous résumions également dans la version imprimée de notre article publié dans la Revue Internationale n°135 du CCI du temps où nous y militions encore : « Chacun de ces deux actes contient ses propres contradictions et limites. En effet, bien que s’influençant mutuellement , l’acte premier est surtout aiguillonné par le taux de profit, et le second est fonction des diverses tendances restreignant les marchés. Ces deux limites engendrent périodiquement une demande finale qui n’est pas à la hauteur de la production » [34].
Voici comment cette position de Marx a été transformée par le CCI : « L’évolution du taux de profit et la grandeur des marchés sont totalement indépendantes » [35]. A nouveau, le CCI se garde bien de nous citer afin d’empêcher le lecteur de se rendre compte que nous avions écrit explicitement le contraire, à savoir que l’évolution du taux de profit et la grandeur des marchés « s’influencent mutuellement ». Cependant, ce que nous mettions également en évidence est que Marx explique aussi que cette influence mutuelle n’implique aucunement que ces deux phénomènes auraient une cause commune, ou qu’ils s’engendreraient systématiquement l’un l’autre, et encore moins d’une façon mono causale et unique tout au long de la vie du capitalisme comme le soutient Luxemburg. C’est pourquoi Marx pouvait tout à la fois constater que la baisse du taux de profit et les marchés « s’influencent mutuellement » et dire que leurs déterminations « ne sont pas les mêmes », « diffèrent de nature » et sont même « indépendantes » (Marx, ibid).
Sont donc erronées les deux positions symétriques et unilatérales suivantes : celle postulant que le taux de profit dépendrait strictement de la grandeur des marchés comme le défendent les épigones luxemburgistes [36] et celle qui pense que la grandeur des marchés découlerait uniquement de l’évolution du taux de profit comme le soutiennent les partisans exclusifs de cette loi [37]. De tels raisonnements mécanistes et exclusifs sont étrangers à l’œuvre de Marx car, pour lui, les racines des crises sont multiples et peuvent varier au cours de la vie du capitalisme.
Celui ‘qui veut tuer son chien l’accuse de rage’ dit le proverbe : critiquer ses interlocuteurs en les tronquant et en omettant certaines de leurs idées centrales afin d’en inverser le sens, telle est malheureusement l’éthique suivie par le CCI. Ceci n’est pas pour nous surprendre car cela fait bien longtemps déjà que ce dernier oublie d’appliquer l’attitude défendue par son fondateur Marc Chirik dans les débats : « Au lieu de se donner la peine de répondre à des arguments, il est certes plus facile de recourir à la méthode "qui veut tuer son chien l’accuse de la rage". Cette méthode, qui consiste à inventer n’importe quoi et à l’attribuer à l’adversaire est peut-être payante sur le moment, mais s’avère complètement inefficace et négative à la longue. Elle ne fait qu’embrouiller le débat au lieu de clarifier et mettre en lumière les positions des uns et des autres » [38].
A considérer les critiques et partisans les plus cités des thèses luxemburgistes, l’on constate qu’ils furent très divers. En ce qui concerne la gauche marxiste, nous avons G. Piatakov, G. Lukacs, de larges franges du KAPD, le groupe Bilan et la Gauche Communiste de France qui sont à compter parmi ses partisans ; A. Pannekoek, P. Mattick et les bordiguistes parmi ses critiques. De l’autre côté, nous avons F. Sternberg et L. Laurat comme chauds partisans et O. Bauer, E. Eckstein ou N. Boukharine comme critiques. Autrement dit, rien de systématique ne se dégage.
Certains ne partagent pas ce constat de simple bon sens car, pour eux, les défenseurs de Luxemburg appartiendraient à la gauche marxiste et ses critiques à l’autre camp ou, s’ils sont révolutionnaires, associés à ce dernier d’une façon ou d’une autre [39]. Non seulement les critiques de Luxemburg sont systématiquement rangés du ‘mauvais côté’, mais ils sont également présentés comme des dogmatiques refusant de changer la moindre virgule au Capital qu’ils considèreraient comme un système de pensée fermé et à l’égale de la bible [40].
Tous ces dénigrements énoncés par le CCI à l’encontre des critiques de Luxemburg illustrent l’intime conviction de celui-ci : il ne saurait y avoir de débat sur l’ouvrage de Luxemburg car toutes les discussions critiques à son propos ne seraient que « réponses scandalisées », « réactions hystériques », « tempête et déluge de critiques » proférées par des dogmatiques ayant des accointances avec l’autre camp [41].
Mais il y a pire, non seulement tous ces dénigrements sous la plume du CCI nient le débat, mais tous ceux qui, dans le camp révolutionnaire, osent discuter de la validité des thèses luxemburgistes, sont sournoisement soupçonnés d’intentions « difficiles à saisir » et leurs critiques sont mises sur le même plan que les démarches réformistes et révisionnistes : « Pourquoi une telle indignation ? Elle est facile à comprendre venant des réformistes et des révisionnistes qui se préoccupaient avant tout de rejeter la possibilité d’un effondrement du système capitaliste. De la part de révolutionnaires, elle est plus difficile à saisir » [42]. Que la motivation de Pannekoek, Mattick, Lénine, des bordiguistes ou de Controverses dans leurs critiques émises à l’encontre de la théorie de Luxemburg soit la clarification est effectivement très « difficile à saisir » pour le CCI !
Tous les procédés mobilisés par le CCI dans cette discussion montrent bien qu’il ne cherche nullement à clarifier les questions débattues. Face à de tels dénis de discussion et procédés, qu’ont fait certains fondateurs de Controverses pour pouvoir réellement assumer un débat en toute clarté et respectueux de l’éthique de Marx ? Ils ont appliqué les conseils prodigués par les deux fondateurs du marxisme, c’est-à-dire que « Ceux … qui ont une claire vision de la situation se retirent des chamailleries stériles, dès qu’ils peuvent le faire décemment, et se consacrent à des tâches meilleures. » [43]
C.Mcl
[1] Pour une présentation plus complète de l’analyse de Rosa Luxemburg, nous renvoyons le lecteur à notre article ‘Théorie des crises : Marx – Luxemburg (I)’.
[2] Marx, Principes d’une critique de l’économie politique, La Pléiade II : 295.
[3] Marx, Postface à la seconde édition allemande du Capital, La Pléiade I : 553.
[4] « Marx prétend, comme il l’a expressément affirmé à plusieurs reprises, exposer le processus de l’accumulation du capital total dans une société composée exclusivement de capitalistes et d’ouvriers. Chacun des livres du Capital contient des passages qui vont dans ce sens » (L’Accumulation…, § 25), passages que Rosa relève avec soin et desquels elle tire la conclusion suivante : « Il n’y a pas de doute que Marx a voulu exposer le processus de l’accumulation dans une société composée exclusivement de capitalistes et d’ouvriers, dans un système de domination générale et absolue de la production capitaliste » (ibid).
[5] « Marx, nous l’avons vu, prend pour hypothèse théorique de son analyse la domination générale et absolue de la production capitaliste, et il s’y tient avec conséquence tout au long des trois livres du Capital » (L’Accumulation…, § 26).
[6] « Le schéma marxien de la reproduction élargie ne réussit donc pas à nous expliquer le processus de l’accumulation tel qu’il a lieu dans la réalité historique. A quoi cela tient-il ? Tout simplement aux prémisses du schéma lui-même. Le schéma entreprend de décrire le processus de l’accumulation en partant de l’hypothèse que les capitalistes et les salariés sont les seuls représentants de la consommation sociale » (L’Accumulation…, § 26).
[7] « …Marx n’a pas fourni de solution achevée au problème, mais l’hypothèse de la domination absolue de la production capitaliste complique les données. […] …cette théorie, qui repose sur l’hypothèse d’une production capitaliste isolée et se suffisant à elle-même, est impuissante, nous l’avons déjà vu, à résoudre le problème de la réalisation de la plus-value. […] Cette hypothèse, que Marx a mis à la base de son schéma de l’accumulation, ne correspond ni à la pratique journalière ni à l’histoire du capital ni au caractère spécifique de ce mode de production […] Non seulement l’accumulation ne peut être expliquée à partir de l’hypothèse de la domination générale et absolue de la production capitaliste, mais elle est même tout simplement inconcevable à tous égards sans le milieu non capitaliste […] L’hypothèse de base du schéma marxien de l’accumulation ne correspond donc qu’à la tendance historique objective du mouvement de l’accumulation et à son terme théorique » (L’Accumulation…, § 26 et 29).
[8] « Certes, Marx analyse en détail le processus de l’appropriation des moyens de production non capitalistes, ainsi que le processus de la transformation de la paysannerie en prolétariat capitaliste. Tout le 27° chapitre du livre I du Capital est consacré à la description de la genèse du prolétariat anglais, de la classe des petits fermiers capitalistes ainsi que du capital industriel. Marx met l’accent dans la description de ce dernier processus sur le pillage des pays coloniaux par le capital européen. Mais il n’étudie ces faits que dans la perspective de « l’accumulation primitive ». Les processus cités n’illustrent pour Marx que la naissance du capital, Marx les décrit comme l’enfantement douloureux de la production capitaliste par la société féodale. Dès qu’il passe à l’analyse théorique du processus capitaliste - de la production comme de la circulation - il revient sans cesse à son hypothèse de la domination générale et absolue de la production capitaliste » (L’Accumulation…, § 26).
[9] « Rosa Luxemburg pensait que sa thèse n’était pas tellement sujette à controverse, précisément parce qu’elle l’avait fermement basée sur les écrits de Marx et des partisans de sa méthode » extrait de l’article Rosa Luxemburg et les limites de l’expansion du capitalisme dans la Revue Internationale du CCI n°142.
[10] « Karl Kautsky qui, reprenant les conclusions de Marx, mit notamment en avant le fait que ni les capitalistes, ni les ouvriers ne pouvant consommer l’ensemble de la plus-value produite par le système, ce dernier était alors sans cesse poussé à conquérir de nouveaux marchés en dehors de lui-même » Revue Internationale du CCI n°142.
[11] Marx, Grundrisse, chapitre du Capital, éd. 10/18, p. 225.
[12] Suggérant ainsi que sa paternité lui en reviendrait comme dans l’article : « Qu’est-ce que la décadence ? » publié dans le n°383 de Révolution Internationale (CCI).
[13] « Malthus prêche l’idéologie des intérêts de cette couche de parasites de l’exploitation capitaliste qui vivent de la rente foncière et se nourrissent aux mangeoires de l’État, et le but qu’il préconise est l’attribution d’une portion aussi grande que possible de plus-value à ces « consommateurs improductifs. » […] Tous les deux, Malthus comme Sismondi, cherchent une catégorie de consommateurs qui achètent sans vendre, pour sauver l’accumulation capitaliste… […] …Malthus les cherche pour créer le profit proprement dit. C’est un secret d’ailleurs bien gardé par Malthus que de savoir comment les rentiers et les prébendiers de l’État, qui eux-mêmes tiennent leur pouvoir d’achat de la main des capitalistes, peuvent aider ceux-ci à s’approprier le profit en achetant des marchandises à un prix majoré » (L’Accumulation…, § 14 sur Malthus).
[14] « A mesure que croît la substance matérielle dont la classe capitaliste et ses parasites s’engraissent, ces espèces sociales croissent et multiplient. L’augmentation de leur richesse … fait naître avec les nouveaux besoins de luxe de nouveaux moyens de les satisfaire [...] Enfin l’accroissement extraordinaire de la productivité dans les sphères de la grande industrie … permet d’employer progressivement une partie plus considérable de la classe ouvrière à des services improductifs et de reproduire notamment en proportion toujours plus grande sous le nom de classe domestique, composée de laquais, cochers cuisinières, bonnes, etc., les anciens esclaves domestiques » (Marx, livre III du Capital).
[15] Marx, Livre II du Capital, vol. V aux Ed. Sociales : 141.
[16] Rosa Luxemburg, l’Accumulation du capital, § 25.
[17] Rosa Luxemburg, l’Accumulation du capital, § 25.
[18] « En comparant cette description [du livre III] avec le schéma du livre II, on s’aperçoit immédiatement de la différence. Loin de constater une contradiction immanente entre la production de la plus-value et sa réalisation, nous trouvons dans le schéma une identité immanente » Rosa Luxemburg, l’Accumulation du capital, § 25.
[19] « [Luxemburg] lui semblait néanmoins qu’il en résultait l’idée [chez Marx] que le capitalisme pouvait accumuler de façon harmonieuse dans un système clos, disposant de la totalité de la plus-value produite à travers l’interaction mutuelle des deux branches principales de la production (le secteur des biens de production et celui des biens de consommation). Il apparut à Rosa Luxemburg que c’était en contradiction avec d’autres passages de Marx (dans le Volume III du Capital par exemple) qui insistent sur la nécessité d’une expansion constante du marché et, en même temps, établissent une limite inhérente à cette expansion » Revue Internationale du CCI n°142.
[20] « La question essentielle – que maintiennent quasiment tous les critiques de Luxemburg jusqu’à nos jours – est que les schémas de la reproduction montrent en fait qu’il n’existe pas de problème insoluble de réalisation pour le capitalisme » Revue Internationale du CCI n°142. Attribuer des propos absurdes à ses contradicteurs pour pouvoir les critiquer, telle n’a jamais été l’éthique de Marx.
[21] Lettre aux éditeurs du Social-Démocrate, mars 1913. D’autres traduisent ce passage comme suit : « J’ai lu le nouveau livre de Rosa L’Accumulation du capital. Elle s’embrouille de façon choquante. Elle a distordu Marx » Revue Internationale du CCI n°142.
[22] « L’idée du travail ci-dessus [L’Accumulation du capital] m’a été suggérée par une introduction populaire à l’économie politique … Lorsqu’au mois de janvier … je me préparais à achever … ce travail de vulgarisation des théories économiques de Marx, je me heurtais soudain à une difficulté inattendue. Je ne parvenais pas à exposer d’une façon suffisamment claire le problème de la production capitaliste, dans ses rapports concrets, ainsi que ses limites objectives historiques » (Avant-propos à L’Accumulation…).
[23] Revue Internationale du CCI n°142.
[24] Marx, Livre II du Capital, Vol. V, Éditions Sociales : 141.
[25] Théories sur la plus-value, Éditions sociales, tome II : 592. Pour une argumentation plus développée sur cette question, nous renvoyons le lecteur à notre article sur ce sujet http://www.leftcommunism.org/spip.php?article187.
[26] Engels, préface à l’édition anglaise (1886) du livre I du Capital, La Pléiade II : 1802.
[27] Revue Internationale n°135 : Origine, dynamique et limites du capitalisme d’Etat keynésiano-fordiste.
[28] Revue Internationale n°135 : Origine, dynamique et limites du capitalisme d’Etat keynésiano-fordiste.
[29] Débat interne du CCI : les causes de la prospérité consécutive à la Seconde Guerre mondiale (III), Revue Internationale du CCI n°136.
[30] De plus, la référence à notre bout de phrase a été omise par le CCI afin de masquer au lecteur la troncature et les omissions multiples qu’il a effectuées pour inverser le sens de la position de Marx que nous exposions : Débat interne du CCI : les causes de la prospérité consécutive à la Seconde Guerre mondiale (III), Revue Internationale du CCI n°136.
[31] Et les luttes pour l’appropriation de ce profit au sein des différents secteurs de la classe dominante.
[32] Cette hausse du taux de plus-value peut résulter, soit d’une évolution défavorable dans le rapport de force entre les classes (donc d’une réduction de la part salariale), soit d’une hausse de la plus-value relative suite aux gains de productivité permettant de diminuer les prix rentrant dans la reproduction de la force de travail : « Les deux phénomènes : hausse du taux de plus-value et baisse du taux de profit ne sont que deux formes particulières qui, en régime capitaliste, expriment l’accroissement de la productivité du travail » (Marx, Le Capital, Éditions Sociales, tome VI, page 252).
[33] « En effet, le marché et la production étant des facteurs indépendants, l’extension de l’un ne correspond pas forcément à l’accroissement de l’autre » La Pléiade II, Grundrisse : 489. Ou encore : « Les conditions de l’exploitation directe et celles de sa réalisation ne sont pas les mêmes. Elles diffèrent non seulement de temps et de lieu, mais même de nature » La Pléiade II, livre III : 1026.
[34] Version imprimée de notre article Origine, dynamique et limites du capitalisme d’Etat keynésiano-fordiste dans la Revue Internationale du CCI n°135.
[35] Débat interne du CCI : les causes de la prospérité consécutive à la Seconde Guerre mondiale (III), Revue Internationale du CCI n°136.
[36] « la difficulté croissante pour le capital de trouver des marchés où réaliser sa plus-value, accentue la pression à la baisse qu’exerce, sur son taux de profit, l’accroissement constant de la proportion entre la valeur des moyens de production et celle de la force de travail qui les met en œuvre » (Plateforme du CCI).
[37] « [pour le CCI] cette contradiction, production de la plus-value et sa réalisation, apparaît comme une surproduction de marchandises et donc comme cause de la saturation du marché, qui à son tour s’oppose au processus d’accumulation, ce qui met le système dans son ensemble dans l’impossibilité de contre balancer la chute du taux de profit. En réalité (pour Battaglia), le processus est inverse. [...] C’est le cycle économique et le processus de valorisation qui rendent solvable ou insolvable le marché. C’est partant des lois contradictoires qui règlent le processus d’accumulation que l’on peut arriver à expliquer la crise du marché » (Texte de présentation de Battaglia Comunista à la première conférence internationale des groupes de la Gauche Communiste).
[38] Le parti défiguré : la conception bordiguiste, Revue Internationale du CCI n°23.
[39] « Pourtant, elle [l’analyse de Luxemburg] fut accueillie par un déluge de critiques – non seulement de la part des révisionnistes et des réformistes mais, également, de la part de révolutionnaires comme Pannekoek et Lénine qui, dans ce débat, se trouva non seulement aux côtés des marxistes légaux de Russie mais également des austro-marxistes qui faisaient partie du camp semi-réformiste dans la social-démocratie […] Au milieu de toutes ces réponses scandalisées, il y eut cependant au moins une défense très claire de Luxemburg, écrite au moment des soulèvements de la guerre et de la révolution : "Rosa Luxemburg, marxiste", par le Hongrois Georg Lukàcs, qui était, à ce moment là, un représentant de l’aile gauche du mouvement communiste » Revue Internationale du CCI n°142.
[40] « Peut-être ce conservatisme est-il au cœur de beaucoup des critiques portées à Rosa Luxemburg : la vision selon laquelle Le Capital est une sorte de bible qui fournit toutes les réponses pour comprendre l’ascendance et le déclin du mode de production capitaliste – un système fermé en fait ! » Revue Internationale du CCI n°142.
[41] Expressions extraites de la Revue Internationale du CCI n°142.
[42] Revue Internationale du CCI n°142.
[43] Engels, Le programme des réfugiés blanquistes, Volks-staat du 26 juin 1874.