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Rubrique : Luttes

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  • Toutes les versions de cet article :

  • Antwoord op een uitnodiging tot debat van de I.K.S. : Elementen voor een globaal begripskader van de huidige sociale bewegingen (nl)
  • Réponse à une invitation au débat de la part du CCI : Éléments pour un cadre de compréhension plus global des mouvements sociaux actuels

    Ici vous pouvez télécharger un tract de deux pages sur les événements en Égypte :

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    Réponse à une invitation au débat de la part du CCI [1] : Éléments pour un cadre de compréhension plus global des mouvements sociaux actuels

    Pour évaluer l’ensemble de la situation, tant les mouvements populaires spectaculaires en Afrique du Nord et au Moyen Orient, que les réactions encore modestes du salariat en Europe et en Amérique du Nord, incluant les protestations des jeunes et des plus âgés, il est d’abord nécessaire de prendre en compte ce qu’ils ont en commun (avant de considérer les spécificités des pays concernés) :

    – La récession économique depuis 2007 n’implique pas seulement une forte croissance d’un chômage déjà énorme au plan mondial, avec un gaspillage gigantesque des forces productives de l’humanité, mais aussi une nouvelle baisse généralisée des salaires, des allocations, des pensions (soit par une baisse réelle, soit comme conséquence d’une forte inflation non compensée) ; elle implique aussi une diminution des dépenses étatiques pour l’éducation, la santé publique et le logement.

    – La colère par rapport à l’étalage que fait la bourgeoisie mondiale de son impuissance, tant face aux désastres naturels (tremblement de terre à Haïti, tremblement de terre et tsunami au Japon), que face aux désastres causés directement par elle-même, dont le summum est la catastrophe nucléaire actuelle au Japon, mais aussi toutes les autres catastrophes alimentaires, écologiques, démographiques et climatiques qui se préparent. Cette situation n’induit plus uniquement des sentiments d’impuissance, mais aussi de la résistance.

    – Tous les mouvements sociaux de protestation (quelle que soit la forme qu’ils prennent) sont surtout portés par une nouvelle génération sans passé politique, mais dotée d’une certaine connaissance plus réelle de la réalité mondiale grâce à l’accès aux moyens de communication modernes. Cette génération désire appartenir à ce monde moderne en dehors de toutes les mesquineries territoriales, raciales, religieuses ou tribales et rejette toute soumission, incluant celle des femmes : c’est une génération délaissée par le système (chômage massif) et abandonnée à elle-même mais qui n’a plus peur de se battre.

    – Avec le manque de perspectives qu’offre cette situation globale, la bourgeoisie mondiale risque de faire face à de véritables grèves de masse du salariat, partant des lieux de travail et soutenues par les masses de chômeurs. Nous avons déjà vu le début d’un tel processus en Égypte, mais sans unification au niveau des revendications ou organisationnel, sans développement d’une orientation plus politique et sans que les salariés prennent la tête du mouvement populaire, leur mouvement restant, pour le moment, essentiellement sur un terrain syndical (ce qui constitue l’obstacle principal au développement d’une toute autre perspective).

    – Les différents mouvements pourraient se nourrir mutuellement, comme on l’a déjà vu, et ce, même avant de s’unir à proprement parler. Dans ce contexte, des sommes d’argent très considérables (des trillions de dollars) sont prévues par la Banque Mondiale, le FMI, la Banque Européenne et des gouvernements nationaux, non seulement pour sauver un système financier mondial fortement fragilisé, mais aussi pour maintenir une certaine cohésion au sein des États et de la société actuelle (augmentations de salaires, promesses de créer des emplois), pour faire barrière aux explosions populaires de mécontentement généralisé difficilement contrôlables au plan économique, social ou même impérialiste. De là aussi les efforts de la très respectable « communauté internationale » d’atténuer la violence en Irak, Afghanistan, Côte d’Ivoire et Soudan, et de vouloir autoriser des manifestations partout, à condition que celles-ci soient « pacifiques ».

    – Pour contrer cette réalité des mouvements sociaux, il y a toutes les tentatives de la part des bourgeoisies, tant nationales que mondiale, de transférer les problèmes du terrain social vers un terrain purement démocratique (nouvelles Constitutions, élections libres), militaire (Libye), religieux (Chiite/Sunnite ; Chrétien/Musulman ; modérés/radicaux) ou même tribal. Même si la bourgeoisie parvient à dévier momentanément et localement ces mouvements, elle risque toujours que ceux-ci reviennent vers le terrain de la lutte sociale tant que le salariat – toujours pas battu, ni physiquement, ni idéologiquement au plan mondial – conserve son potentiel de prendre la tête de ces mouvements.

    Il ne peut aucunement être question de glorifier ces mouvements sociaux aveuglement, d’admirer « tout ce qui bouge », de caractériser ces mouvements comme « prolétariens », de décréter déjà une « grève de masse mondiale », de mettre tous ces mouvements dans le même sac sous le titre « luttes des classes non-exploiteuses », ou simplement de mettre en garde ces mouvements, à distance et du haut de notre tour, par rapport aux dangers « inter-classistes » ou « illusions démocratiques », dangers qui seraient inhérents aux « pays périphériques » et qui ne pourraient être dépassés que dans les « pays centraux » du capitalisme. Même si l’issue finale dépend d’une victoire du salariat dans les centres du capitalisme mondial (en raison de la concentration du prolétariat et de son expérience séculaire de confrontation avec la démocratie bourgeoise et surtout les syndicats, un solution à laquelle on ne peut pas s’attendre à court terme), c’est la « périphérie » qui donne pour le moment l’exemple à tous les salariés, tous les exploités et opprimés de la planète. Aussi importante que l’expérience en Égypte par exemple puisse être, on ne peut pas non plus glorifier une « auto-organisation » issue d’un mélange de toutes sortes de couches sociales (que ce soit le Mouvement des Jeunes de 6 Avril ou les Comités de Quartier, une sorte de garde civile), alors que l’organisation du salariat en un contre-pouvoir partant des lieux de travail était absent.

    La récession économique n’a pas partout la même ampleur et prend des formes variées dans les différentes régions et zones, au point qu’il est difficile de ramener tout à une seule cause. Les manifestations et les grèves ne sont pas non plus des réactions « pavloviennes » à la récession économique ; la récession économique a aggravé et accentué des problèmes déjà existants qui sont aussi le résultat de tensions et contradictions qui existent depuis de nombreuses années, parfois des décennies (et qui peuvent se présenter très différemment d’un pays à l’autre). Établir une simple équation « crise économique mondiale égale luttes sociales partout » ne suffit pas, et ce pour plusieurs raisons :

    1. La récession économique ne s’exprime pas partout de la même façon :

    a. Les faibles taux de croissance économique en Europe et en Amérique du Nord obligent les États, soit à accumuler des dettes jusqu’au bord de la banqueroute (plusieurs États des États-Unis et en Europe : la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne en perspective), soit de s’attaquer directement aux conditions de vie de l’ensemble de la population, mais prioritairement aux personnes plus âgées (vu le vieillissement de la population) et aux jeunes massivement au chômage , introduisant ainsi toutes sortes de fausses oppositions entre des différents catégories de la population.

    b. Dans les pays où les taux de croissance restent relativement élevés, les augmentations de prix des denrées de première nécessité ainsi que du pétrole et du gaz, phénomène encore renforcé par la spéculation sur ces mêmes produits, ont des effets directs désastreux surtout pour les populations déjà en détresse en Amérique latine, en Asie et en Afrique (où se concentrent des populations justement très jeunes).

    Ces différences s’expriment également dans les luttes et mouvements :

    a. Les réactions des salariés, étudiants et chômeurs dans plusieurs pays d’Amérique du Nord et d’Europe ( États-Unis, Grèce, France, Irlande, Royaume Uni, Italie, Allemagne, Belgique, Pays-Bas) restent dans le cadre syndical et subissent les campagnes étatiques anti-immigrés (craintes d’immigrations massives).

    b. Les mouvements populaires dans le Nord de l’Afrique et du Moyen-Orient (Tunisie, Égypte, Algérie, Bahreïn, Yémen, Oman, Palestine, Gaza, Maroc, Irak, Syrie, Jordanie) liés au chômage de masse d’une génération délaissée sans autre perspective qu’une émigration sans promesse, forment un dilemme sans perspectives propres, risquant aussi de s’exprimer dans des émeutes de la faim et des confrontations violentes sans issue.

    2. Poser d’emblée que ce qui compte uniquement c’est « l’ensemble de la situation », écartant ainsi implicitement la variété et les différences de situations particulières, c’est courir le risque de pas comprendre « l’ensemble de la situation » réelle mais, au contraire, de plaquer des schémas préconçus et chercher à y faire entrer la réalité. Ce sont justement toutes ces différences d’une situation nationale à l’autre et toutes les oppositions internes qui sont exploitées à fond par la bourgeoisie, et il nous faut démontrer qu’une situation n’égale pas une autre ; donc, au lieu de les ignorer, ils faut les expliquer, les remettre dans un cadre de compréhension général cohérent pour mieux démonter la propagande visant à opposer les uns aux autres. Alors que nous avons à faire à un phénomène international, jusqu’à maintenant aucun mouvement concerné n’est parvenu a dépasser le cadre national, restant ainsi enfermé dans les conditions spécifiques auxquelles il est confronté.

    3. Tant que les salariés, partant des lieux de travail, ne seront pas à même de prendre la tête des mouvements populaires dans les pays « périphériques » concernés, et de déployer leurs forces au plan international en embrasant les pays centraux du capitalisme, d’autres forces de la société risquent toujours d’occuper le premier plan. Ces autres forces, avec toutes leurs contradictions territoriales, raciales, religieuses et tribales, ont toujours constitué la condition et la justification des dictatures pour assurer une « stabilité ». En effet, alors qu’en Égypte tout le mouvement, aussi fragile qu’il soit, était et reste toujours clairement social, dans d’autres pays ces mêmes tensions sociales risquent de prendre des tournants désastreux. Cela dépend beaucoup, pour le moment, des situations locales et des rapports de force spécifiques. Mais même en cas de dévoiement total, le « social » peut revenir au premier plan tant que le mouvement se développe au plan international et tant que le salariat préserve sa capacité de prendre la relève.

    2 avril 2011, Vico.

    Publié par Controverses,
    Forum pour la gauche communiste internationaliste

    http://www.leftcommunisme.org

    leftcom@googlegroups.com

    [1Voir : Que se passe-t-il au Moyen-orient ?, http://www.leftcommunism.org/spip.php?article244&lang=fr